Il était dix heures tapantes lorsque Khaldi Mohamed, le greffier de l'audience, appela à la barre Bachir, la quarantaine, inculpé de non-paiement de la pension alimentaire et de non-règlement des dommages et intérêts dus à l'ex-épouse qui a souffert le martyre de ne rien voir pointer du côté de la poste, le moindre mandat et ce depuis neuf mois, date de la douloureuse séparation avec l'enjeu, un beau garçon âgé de neuf ans, scolarisé malgré le traumatisme que l'on constate chez les enfants issus de foyers brisés. «Alors, le tribunal n'a même posé une seule question que vous voulez lui faire avaler une couleuvre !» dit d'emblée Nadia Amirouche, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Hussein-Dey qui relève de la Cour d'Alger. «C'est que madame, je voulais simplement vous faire gagner du temps, c'est mon seul souci car je n'ai rien à me reprocher sur le plan matériel avec mon fils que je prends tous les vendredis matin avec du retard à cause des fuites en avant de sa mère qui cherche tous les prétextes pour me le remettre. Parfois, je ne vous le cache pas, je pointe au commissariat du coin, armé d'une copie du jugement pour prendre mon enfant. Je suis en tout cas en règle. Je n'ai rien à me reprocher, madame la présidente». La juge regarde à deux reprises Mohammed Kolla le procureur et va poser une deuxième question relative au pourquoi de la plainte puisque le problème de retard ne se pose pas. «Et puis, ajoute avec beaucoup d'assurance l'inculpé - je n'ai jamais reçu de notification de jugement - j'ai pioché au guichet j'ai eu l'information et j'ai décidé sans aucune contrainte de régulariser ma situation sans prendre le risque de gonfler les versements mensuels». - «Ah non, vous n'allez tout de même pas pousser le tribunal à vous croire autour de cette histoire de mandats envoyés ? Avez-vous les preuves, les reçus par exemple ?Bachir L. semble être coincé mais lâche vite une phrase qui va faire de Amirouche une méfiante : «Je ne saurais vous demander que de voir avec mon avocate».Maître Fatiha Daou-Tounsi est toute ouïe, prête à bondir sur toute réponse pouvant éclairer le tribunal. - «Non, votre avocate à un autre rôle,. Ce n'est pas son boulot que de répondre à votre place !» balance, l'air grave la magistrate qui reste de marbre devant tant d'étirements, mais qui va vite passer à la vitesse supérieure en demandant au représentant du ministère public d'effectuer les traditionnelles demandes prévues par la loi. «Une amende de cinq mille dinars» murmure presque le jeune procureur qui ajoutera : «Une amende ferme, évidemment». L'avocate est à son tour invitée à plaider sans la présence de la victime qui n'a pas daigné se présenter à la barre laissant la présidente piocher dans le dossier, sa plainte et son contenu. «Madame la présidente, le fait est que l'ex-épouse a confondu la pension alimentaire et les dommages, nés de la période durant laquelle le malentendu persistait, la pension aidant alors qu'elle avait elle-même abandonné le foyer conjugal avant d'aller au devant d'un divorce à l'amiable. C'est pourquoi, nous prions le tribunal de ne pas condamner Bachir L. pour ce qui ne se trouve point dans les attendus du jugement. L'inculpé attend l'indulgence du tribunal certes mais surtout beaucoup de compréhension», a martelé Maître Daou-Tounsi qui avait souri lorsque la présidente avait annoncé la mise en examen de l'affaire, juste pour voir de près ces reçus remis par l'inculpé lorsqu'il avait dit sans battre des cils que : «Il n'avait rien à se reprocher».