Bernard Kouchner s'est «offert» un week-end pas tout à fait comme les autres. Franchement, une fin de semaine à Kaboul, ce n'est pas le cadre idéal pour oublier les embouteillages parisiens. Mais devant l'ampleur de la fraude lors de la dernière présidentielle et la menace d'un second tour, le patron du Quai d'Orsay n'a pas pu faire autrement. A défaut d'applaudir une large victoire de Hamid Karzaï, le «bien-aimé» de l'Occident, le chef de la diplomatie française, s'est résigné à plaider le partage du pouvoir. Un gouvernement d'union nationale dans lequel le président sortant et son ex-ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah, risquent de se marcher sur les pieds. Sauf qu'il n'existe pas d'autres moyens pour sauver le «soldat Karzaï», garant de la légitimité de la présence étrangère via la démocratisation au compte-gouttes de l'Afghanistan. Ce qui est indispensable dans l'immédiat, c'est d'éviter que ce contexte politique complexe ne dégénère en une guerre civile que tous les renforts du monde ne pourraient pas stopper. Karzaï doit faire preuve de persévérance et Abdullah de compréhension pour que vive la balbutiante démocratie afghane que l'Occident cherche à tout prix à instaurer par un interventionnisme plutôt musclé. L'avènement d'un gouvernement d'union nationale à la demande des alliés, qui mènent eux-mêmes les tractations, leur sera-t-il profitable à ce point ? Il ne peut que l'être, à juste mesure, au moment où la coalition essaye de voir plus clair. Car c'est toute une stratégie qu'il faut revoir et non pas seulement l'aspect militaire. Barack Obama aura beau suivre Gordon Brown, quant à l'envoi de troupes supplémentaires, il manquera toujours quelque chose à cette stabilisation réelle de la situation politico-sécuritaire en Afghanistan du fait qu'elle soit, en bonne partie, tributaire de l'engagement de ses voisins. De la Russie qui est priée de s'impliquer directement, céder le passage aux camions ravitailleurs de l'Isaf n'ayant est vital mais loin d'être suffisant. Sauf que la présence de l'Otan à ses frontières est perçue du mauvais œil de Moscou. Du Pakistan qui vient d'enclencher une guerre totale contre les talibans locaux qui menacent la stabilité de la République islamique et souille l'honneur de son armée. Sa grande offensive dans le Sud-Wazaristan vise-t-elle à présent qu'à garantir la stabilité du Pakistan, les 7,5 milliards de dollars promis par Washington n'ayant toujours pas été transférés vers Islamabad ? A moins d'une tentative américaine, de dernière minute, à rassurer les autorités pakistanaises sur le versement de ces aides financières et la fin des injonctions US dans ses affaires internes, le gouvernement d'Islamabad confirmerait son lâchage pur et dur de l'Administration d'Obama. Un coup un peu plus dur, la stabilité de l'Afghanistan dépend aussi sur le plan régional de la République islamique d'Iran qui est loin d'être un allié de l'Occident. Plutôt un ennemi auquel le président Obama a été obligé de tendre la main alors que l'issue des pourparlers entre l'Iran et le groupe des Six demeure improbable. Revendiqué par un groupe rebelle sunnite, l'attentat qui a fait une trentaine de morts à la frontière irano-pakistanaise relève-t-il du hasard du fait qu'il a été commis au lendemain du début de l'offensive contre les talibans du Pakistan ? Bien que l'on ne reconnaisse pas de liens entre les deux mouvements, en termes de djihadisme mondial contre la présence étrangère en terre d'Islam, des analystes croient en la possibilité d'une «réponse collective» à cette même présence. Mais tout laisse croire que ce soit un groupe affilié aux «soldats de Dieu»qui a tenté de déstabiliser le pouvoir de Téhéran contre lequel l'opposant Moussavi a promis de continuer à mener résistance. A force de souffler de partout sur la mèche, Bernard Kouchner sera-t-il amené à passer ses prochaines vacances à Kaboul ?