La chance de cet inculpé de non-paiement de la pension alimentaire est double ! La première est qu'il avait comparu face à l'intelligente Selma Bedri, la présidente du pénal d'El Harrach à qui on ne la fait jamais. La seconde est le niveau supérieur de l'inculpé, en tout d'ailleurs : en langue, en élocution, en droit pur et surtout en vigilance devant la stupide ex-femme qui a peut-être juré de mener la vie dure à son ex-mari, au papa de sa fille qu'elle a privée d'un toit après avoir refusé des mains de l'huissier les clés d'un logement décent. Quant à la pension alimentaire, elle a toujours été réglée. Alors, c'est quoi ça ? Le couple brisé est encore plus désuni qu'il y a trois ans, la date du divorce. «Douze millions de centimes ?», s'écrie d'emblée Selma Bedri, la juge d'El Harrach (cour d'Alger). «J'ai tout réglé», affirme Abdessalem L., l'ex-époux en tendant une sous-chemise verte en direction de la présidente qui va tout de suite vouloir savoir le pourquoi des poursuites de l'ex-madame. Elle ouvre le document remis par l'inculpé de non-paiement de la pension alimentaire qui va devoir, ce pauvre malheureux, dans un arabe parfait devancer les événements en sautant de la pension au logement «Madame la présidente, j'ai offert un toit pour ma fille, pas un bungalow pour cette femme !» La juge ne le laisse pas aller vers l'insulte voire l'outrage. Elle tape des mains sur le pupitre : «Ca suffit ! Taisez-vous. Restons sur et autour du délit du jour !», ordonne-t-elle. La dame victime veut crier : «Il y a vingt millions de centimes dont douze pour le délaissement, l'abandon de famille, et les huit pour la pension.» Elle n'aura pas le loisir de mieux s'expliquer, Abderrahame l'ayant interrompue pour éloigner rapidement la «diffamation». - «Vous, vous allez immédiatement vous taire. Désormais vous ne parlerez que pour répondre aux questions du tribunal», tonne Bedri, pas décidée à se laisser marcher sur ses platebandes, car l'inculpé voyait juste. L'inculpé, impeccablement vêtu, emmitouflé dans une «saharienne» des grands jours du Sud, ne pourra pas hélas se taire. Il va se défendre avec tous les mots qu'il a choisis pour sa défense et a même réussi à démasquer le jeu perimé de l'ex, laquelle ressemble à cette catégorie de divorcées qui n'ont pas de mots mais des maux à distribuer. Et heureusement pour l'inculpé, Bedri a réussi à soulever le lièvre, a fait une battue d'une petite mise en examen pour la fin de l'audience où elle a prononcé le plus sereinement du monde la relaxe, au grand dam de madame, pas gentille du tout, car à la voir de près, on se demande qu'est-ce qui a bien pu réunir cet ex-couple que tout sépare. Et ce qui a dû faire plaisir à l'inculpé, c'est si le verdict est un mot masculin, la relaxe, elle, est proprement féminin, même comme dirait le poète, le mot amour se met au féminin pluriel.