En justice, nul ne peut se substituer à un inculpé et demander à être jugé à la place de son frère. La juge, elle, a le gros dossier sous les yeux et cette diablesse de procureure n'y va pas avec le dos de la cuillère. L'auteur des coups et blessures n'était pas le cadet mais l'aîné, seulement voilà le «lapin» posé à Nadia Bouhamidi, la juge d'El Harrach : l'inculpé n'était pas le bon. Ce mardi, l'aîné était témoin dans le dossier. Et l'aîné était venu à la barre crier sa solidarité avec toute sa famille qu'il prend soin de protéger contre tout, y compris les poursuites. «Ok, ok», lance la présidente qui poursuit : «Vous aviez pu vous plaindre, déposer plainte et laisser la justice suivre son cours», balance la magistrate qui a averti l'inculpé qu'il se trouvait maintenant dans le pétrin : «Votre statut de victime aurait pu être préservé si vous aviez un tant soit peu réfléchi aux représailles qui avaient débuté par des mots avant de vous emballer et aller tous les deux à terre, roulant sur la chaussée, échangeant des coups, à cause d'un règlement de comptes entre votre frère et la victime», récite presque la présidente qui lève les yeux du côté du siège du ministère public où trône Faïza Mousrati, toujours attentive lorsqu'il s'agit d'affaires qu'elle a elle-même traitées lors de la présentation le jour du délit. L'inculpé, lui, gigote et donne l'impression de vouloir placer un mot pourvu que le tribunal lui pose une question. Il gigote d'autant plus qu'il avait refusé l'assistance d'un avocat, démuni qu'il est. - Vous, inculpé, le tribunal est ici pour la recherche de la vérité», tonne la juge qui n'allait tout de même pas céder devant ce cafouillage à la barre. «Il y a les faits. Il y a les déclarations des uns et des autres et les contradictions», siffle la présidente de la section correctionnelle du tribunal d'El Harrach (cour d'Alger). Juste après, elle tire un tiret sur l'interrogatoire, car elle a semblé tout à coup être fixée après avoir relu un large passage du PV d'audition. La procureure est priée de requérir. Elle ne se fait pas prier. «Le tribunal a eu un dossier clair. En matière de justice, la solidarité n'existe pas. En droit, la peine est personnelle. L'auteur d'un délit ne peut en aucun cas être substitué», dit entre Mousrati qui réclame six mois de prison ferme à l'encontre de l'inculpé qui avait confondu la demande du parquet avec le verdict : «Pourquoi madame la présidente ? Pourquoi six mois, ce n'est pas juste.» La juge grimace et précise que ce n'était pas la sentence qui venait d'être lue, mais les demandes de madame la procureure. A l'issue de la mise en examen en fin d'audience, l'auteur des coups et blessures écope d'une peine de prison ferme d'un an car le tribunal a tenu compte du casier judiciaire qui contenait déjà les coups et blessures et un sursis.