Il n'y a que les excellents magistrats pour se tirer d'affaire dans de drôles et difficiles situations nées des contradictions de notre société. Une rixe. Huit présents à la barre. Une Amirouche vigilante. Une Houari regardante. Des débats multicolores. Une discipline louable à souhait. Un verdict mis en examen et pour cause et à la fin de l'audience... Jouer aux cartes, aux dominos dans une cage d'escalier d'un bâtiment qui a plusieurs «cousins» dans cette cité de la banlieue d'Alger, coûte souvent cher. Des insultes, des injures des grossièretés, des coups et blessures, des plaintes, des poursuites devant les agents de police d'abord et le procureur ensuite avant d'atterrir devant la présidente de la section correctionnelle du tribunal - «Du calme, du calme», lança tout de go, Nadia Amirouche, la juge, aux huit inculpés dont deux sont en détention préventive. En effet, à la barre, il y avait foule. Huit personnes, des jeunes surtout, entre inculpés et victimes vont devoir répondre au tribunal : qui a utilisé l'arme blanche qui a d'ailleurs disparu à l'arrivée de la police. Le comble, ces inculpés démunis ne sont pas assistés d'un avocat. Au contraire, ils ont eu un : Zahia Houari ; la représentante du ministère public qui est prête à requérir des peines de prison sans état d'âme étant elle-même ligotée par l'indivisibilité du siège du parquet même si ce n'est pas elle qui était de permanence le jour de la présentation de ces jeunes joueurs, mauvais perdants, bagarreurs inculpés un à un. Les inculpés vont devoir placer – sans mentir si c'est possible – leurs arguments de défense Fathi. L. 23 ans dit en battant des cils : «Moi, lorsque je joue, je n'aime pas que l'on manque de respect à l'entourage immédiat de la cité où vivent nos parent.» Salah. H. 27 ans, la moustache tombante, rappelant curieusement Pancho Villa, lui, commence et finit aux regrets. Abdelouadoud, 21 ans, revendeur à la sauvette met tout «çà» sur le compte de la pénurie de la pomme de terre. «Au prix où elle était la semaine dernière, je ne pouvais donc pas la refiler aux voisins.» - «Oui c'est bon. Mais quel est le rapport légumes bagarre ?», demande la présidente. - «Je n'ai pas supporté que Boussaâd me désigne comme étant un suceur de sang, moi qui ne gagne que sept dinars par kg.»
-«Et sept dinars, ce n'est pas beaucoup comme bouf ?», ironise la juge - «Non pas du tout avec la cherté de la vie» - «Bousaâd, vous, pourquoi avoir sorti le couteau, balance la magistrate qui n'est pas étonnée de voir le détenu répondre : «Qui m'a vu le sortir ? Qui des trois blessés ici peut me le dire les yeux dans les yeux ?» Les sept autres inculpés ont tous la tête baissée , on dirait qu'ils s'étaient passé le mot : motus et bouche cousue à propos de l'utilisation de l'arme blanche . - Vous, Abderazak, qui vous a causé cette blessure au visage ? - C'est Maâmar avec ses ongles. Il a été féroce il m'a même mordu à l'épaule, mais la veste a sauvé la peau..., répond Abderazak qui évite de regarder son agresseur présumé. -Et qui a été le détonateur de cette grave histoire qui avait pu avoir de graves conséquences ? ajoute Amirouche décidément lassée d'entendre des versions où il est difficile de faire le tri. Elle va entendre rapidement Azzedine et Rachid qui ne vont nullement aider le tribunal, Houari la procureur prend en compte les trois certificats médicaux de trois, deux et un jour d'incapacité et va demander l'application de l'article 264 du code pénal : un an de prison ferme pour Boussaâd, Rachid et Abdlouadoud, deux mois ferme pour le reste des inculpés En guise de dernier mot, ils demandent tous la relaxe n'était sa réserve de magistrat chargé de rendre justice, Amirouche avait failli avoir un fou rire et lancer : «Quoi la relaxe ? Quels rêveurs» Le verdict a été tout de même indulgent car l'arme blanche et son usage n'ont pas été «vérifiés» à la barre, la preuve étant les blessures superficielles. Deux mois fermes pour les trois détenus et le sursis pour Fathi Salah, Abderazak témoin non entendu et jugé par le tribunal compétent.