Une voix étrangement calme, étrangement blanche, et qui semble épouser le silence qui l'entoure comme le vol d'une mouette, le vent au-dessus de la mer. Zahra N'soumer a su donner à la musique la liberté la plus grande, une force, une suavité et surtout une lumière qui expriment la jeunesse, la fraîcheur et l'amour. Nous l'avons rencontrée lors de son passage à Alger, elle nous parle de son itinéraire artistique et de l'art. «Je suis arrivée à la chanson par l'amour de l'art. J'ai abandonné mes études pour me consacrer à la musique. Je pense que cela n'est pas fortuit, car ma mère était déjà versée dans le domaine artistique.» Cette passion artistique chez Zahra N'soumer grandissait, jusqu'au jour où elle décide de prendre «son destin à deux bras». Elle alla frapper à la porte de la radio Chaîne II, elle rencontre cheikh Noureddine, un grand homme de la chanson. «Je lui ai dit que je voulais chanter, il me présente alors à Chérif Kheddam, qui était à mes yeux un bureaucrate. C'était pourtant mon idole, mais je ne connaissais pas son visage.» Cela se passait pour Zahra comme un conte de fées Ce maestro de la musique algérienne qui avait mis tant de chanteurs sur le devant de la scène artistique, avait à cette époque 40 ans environ. Il voulait savoir pourquoi cette jeune de 16 ans désirait chanter… puis il accepta de l'écouter pendant une heure : «J'ai choisi une composition de Chérif Kheddam interprétée par Nouara. Quand je l'ai vu accorder son luth, j'ai compris que c'était lui. il m'a dit pourquoi vous avez choisi une chanson aussi difficile… puis, après tout, je me suis dit, même si je ne réussis pas, j'aurais réalisé mon rêve, car je viens de chanter devant mon idole et de surcroît c'est lui qui m'a accompagnée.» Cela se passait pour Zahra comme un conte de fées ! La trouille pour une gamine, de seize ans. Une semaine après, elle enregistre la chanson. Vient après la fameuse chanson qui a débordé les frontières Avava Inouva. C'est à cette période que Zahra connaîtra Idir, qui était lui aussi à ses débuts artistiques et qui venait souvent à la radio. Il répétait Avava Inouva avec une étudiante. Cependant, cette dernière n'avait pas de l'ambition pour la chanson, Chérif Khedam et Ferhat Mehenni lui ont proposé de chanter avec Idir et c'est de cette manière que la chanson fut enregistrée. «Juste après l'enregistrement du disque, Idir est parti passer son service national.» «Après sa sortie, il est parti en France et moi je suis restée en Algérie, c'est pour cela qu'on s'est séparé. Dans l'album Chasseur de lumière, il l'a enregistrée avec sa sœur, puis avec une Irlandaise.» Dans sa prochaine cassette, Zahra a repris Avava Inouva ainsi que d'autres chansons de Zerrouki Alloua… ceci pour rendre hommage aux grandes figures de la chanson algérienne. «Nous avons introduit des percussions, des violoncelles et un travail de voix. J'ai eu un contact avec Idir et il est possible qu'on fasse un travail ensemble.» Concernant la production artistique, Zahra est pour la division du travail ; un auteur, un compositeur, un interprète. Chacun son métier. Zahra N'soumer à travaillé avec plusieurs auteurs et compositeurs : Chérif Kheddam, Boualem Chaker… quant aux thèmes, elle a par exemple réalisé une cassette en 1987 avec Amar Azouz, c'est elle qui a choisi le sujet, qui est un hommage à sa grand-mère, aux enfants abandonnés et des chansons d'amour. «L'oiseau ! Je suis un oiseau libre Qui aime le printemps La saison des amours Le regard des amants» C'est en France qu'elle connaîtra une personne native de sa région, et avec cette nostalgie du bled, il lui composa cette chanson. Ma grand-mère qui a essayé de jouer pour moi le père et la mère. En matière cinématographique, Zahra a joué des seconds rôles, elle adore le cinéma et passe beaucoup de temps à regarder des films. «Abder Isker, lorsqu'il m'a filmée pour Avava Inouva, il m'a proposé de jouer dans des films, mais je n'étais pas intéressée à cette époque.» En 1980, Bachir Belhadj lui propose de jouer le rôle d'une femme targuie. C'est la où elle commence à apprécier le cinéma. Elle participa alors comme actrice dans six films dont le dernier est celui d'Isabelle Eberhardt où elle eut le rôle de la sainte Lala Zineb qui a réellement existé à la Zaouïa d'El Hamel de Bou Saâda. Concernant les liens avec sa famille, Zahra N'soumer nous dit : «On ne m'invite jamais aux mariages et aux circoncisions de leur famille, je ne connais pas la belle-famille de mes tantes, tout simplement parce que je suis chanteuse. Pourtant, j'ai prouvé à tout le monde que ce soit pour la société ou pour ma famille, que je pouvais pratiquer ce métier en étant sérieuse.» Très attachée à sa grand-mère «J'ai reçu une bonne éducation de ma grand-mère qui a essayé de jouer pour moi le père et la mère. J'étais gâtée. Tout ce qu'il y avait à la maison, c'était pour Anissa (mon vrai prénom). Je ne manquais de rien, mais elle était là avec son martinet et à la moindre erreur !... elle m'a appris la pudeur. Elle m'apprenait (ce que j'ai gardé jusqu'à présent) qu'il ne faut jamais être nue même en étant seule pour ne pas provoquer les anges, (Assas Akham). Quand j'étais enfant, pour m'aider à prendre mon bain, elle mettait sur moi une couverture en forme de tente. Elle m'a appris la pudeur qui se reflète dans mon comportement et dans mes chansons.» Sur le point de vue artistique, Zahra garde des souvenirs inoubliables. C'était en 1973, elle n'avait que 17 ans, elle venait de faire un concert à Alger. «J'ai pleuré, parce que je ne m'imaginais pas voir autant de monde qui venait écouter mes chansons.» Après cela, Zahra fera des tournées à travers l'Algérie avec de grands chanteurs tels que Khelifi Ahmed, Ahmed Wahbi, El Ghalia… «J'étais protégée parce que j'étais la plus jeune chanteuse. On avait tissé autour de moi une sorte de toile d'araignée. C'était fabuleux !»