La ville s'est réveillée lentement d'une longue nuit passée à faire la fête. Depuis l'annonce des voyages organisés pour le Soudan, Oran n'a plus dormi. Elle passe ses nuits dans la joie. Les départs des supporters vers les bords du Nil blanc sont fêtés comme ceux des pèlerins vers les Lieux Saints de l'Islam. «Depuis dimanche, c'est la fête chaque nuit dans le quartier», dira Sihem, une jeune oranaise de la cité Usto, avant de préciser que des D.J. viennent chaque nuit pour animer les soirées des fans des verts qui ne quittent les scènes improvisées à l'occasion qu'à l'appel pour la prière du fedjr. A Saint Pierre, un quartier du centre-ville, des familles ont pris l'habitude de servir chaque soir du couscous. «Qu'est ce que c'est une zlafa de taâm comparée à toute cette joie et à toutes ces prières pour la victoire de l'Algérie», dira khalti Zahra devenue depuis l'épopée de l'EN le boute-en-train de ce quartier qui arbore fièrement sa nouvelle parure, un emblème nationale de 172 mètres. A Batimate Taliane, Mourad Chaïb, avant d'aller grossir les rangs des fans des Verts, déjà présents à Khartoum, a laissé des consignes pour réussir la fête du sacre. Un jeune qui tient un kiosque multiservices a déjà mis en place l'installation qui permettra d'alimenter tout un attirail vidéo prévu pour la diffusion collective du match. «Nous allons installer un écran pour data show pour permettre aux jeunes de la cité de suivre ensemble le match. C'est mieux que de le regarder chacun dans son coin», dira Zahir qui a été chargé par Mourad, le chef d'orchestre, de faire tout le nécessaire pour la fête. Dans le centre-ville, c'est la même ferveur et la même ambiance. Chaque soir que Dieu fait, des cortèges de voitures sillonnent les rues dans un assourdissant concert de klaxons. A Karguentah, l'immeuble où réside la famille de Aami H'mida qui a été terrassé par un arrêt cardiaque après le premier but égyptien, ne désemplit pas. Ce sont des grappes d'oranais qui viennent présenter leurs condoléances à la famille. Son fils, très calme, a ordonné à ses jeunes voisins de ne pas retirer les drapeaux qui ornent l'entrée de l'immeuble. «La meilleure façon de lui rendre hommage est la qualification», dira-t-il à l'adresse d'un groupe de jeunes d'El-hamri. Khalti Zahra le boute-en-train de Saint Pierre, a préféré sacrifier les économies qu'elle avait patiemment réunies pour se payer un mouton pour l'Aïd. «Les 15 000 dinars que j'avais, je les ai donnés à mon fils pour qu'il aille au Soudan. Et puis pour manger la viande le jour de l'Aïd j'irais chez ma sœur qui a déjà un beau bélier attaché au balcon de son appartement», dira-t-elle avec un sourire en coin. Oran a appris depuis quelques jours à faire la fête. Elle s'apprête à vivre des moments de douce folie en cas de qualification des verts. Et puis ces moments de joie collective et de liesse populaire Oran en veut, et aux Fennecs alors de la plonger dans le nirvana.