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«Le documentaire est pour moi un enjeu de démocratie et de citoyenneté»
Entretien avec Malek Bensmaïl, réalisateur
Publié dans Le Temps d'Algérie le 08 - 12 - 2009

Le réalisateur Malek Bensmaïl participe comme invité d'honneur au Festival du cinéma documentaire algérien, qui aura lieu les 19 et 20 décembre à l'université Sofia à Tokyo (Japon). Il présentera en avant-première son nouveau film La Chine est encore loin (2008-Alg/France/120'). A cette occasion, il nous parle dans cet entretien de l'importance du documentaire et de ses projets.
Malek Bensmaïl est un spécialiste du film documentaire et a obtenu plusieurs prix. A travers ses films, il développe essentiellement des projets autour de la relation Orient-Occident, des rapports Nord-Sud et de la confrontation modernité-tradition.
Le Temps d'Algérie : Vous êtes invité pour le festival de Tokyo. Comment s'est fait ce choix ?
Malek Bensmaïl : Je ne sais pas, je crois qu'il faudrait poser la question aux organisateurs. Le fait que je sois lauréat de la Villa Kujayama à Kyoto (Villa Médicis Asie) y est pour quelque chose...
Pour les organisateurs, le documentaire est un genre rare au Maghreb et dans le monde arabe. Ils souhaitaient montrer et programmer ce genre ici au Japon. Ma présence au Japon depuis six mois est une opportunité magnifique. J'initie en ce moment un projet de film entre le Japon, l'Algérie et le monde arabe.
Quelles sont vos impressions ?
L'organisation de ce festival à Tokyo est une excellente chose pour le documentaire et le cinéma algérien. Les Japonais sont très curieux et réellement intéressés par le Maghreb et le monde arabe. Pour eux, c'est une manière de rattraper peut-être le temps perdu quant à la connaissance de notre région.
De même pour nous, nous devrions nous ouvrir plus vers l'Afrique (qui est notre continent) et l'Asie et ainsi ne pas nous contenter d'un rapport avec l'Occident ou avec le Moyen-Orient. Durant mon séjour, j'ai été invité par l'Academic Film Expo de la ville de Kyoto ou j'ai présenté La Chine est encore loin et également à l'université de Tokyo où je dois donner une conférence sur mon travail, à la fin de la semaine prochaine.
Votre film documentaire La Chine est encore loin a raflé plusieurs prix. Qu'est-ce qui a intéressé le jury à votre avis ?
Comme je ne peux parler à la place d'un jury, la seule chose que je peux faire pour répondre à votre question est de vous transmettre les quelques lignes du jury du Festival de Munich, par exemple, qui a remis le Grand Prix :
«Visuellement puissant, le film met en lumière les complexités d'un pays, de ses habitants et du vécu post-colonial avec comme problématiques les langues, les mémoires et les histoires individuelles et collectives, qui rejoignent peu à peu un carrefour essentiel, celui de l'avenir et du devenir des enfants de la nation algérienne. La Chine est encore loin est magnifiquement empreint d'espoir avec chaleur, beauté et harmonie.»
Vous êtes beaucoup plus porté sur le documentaire. Est-ce un choix ?
Le documentaire est pour moi un enjeu de démocratie et de citoyenneté. Le genre reflète une réalité sociale et politique, brute, parfois difficile à accepter. Le documentaire, c'est aussi un questionnement de soi, de sa société, du monde dans lequel nous vivons. J'essaye peut-être de créer mes propres fondements avec le temps, grâce à ce que me disent mes films.
Leurs écritures m'obligent à redéfinir la question de la liberté et de la dignité dans notre pays qui est, je crois, l'essence de l'indépendance et de la décolonisation d'un peuple. Dans le documentaire, le moi ne peut se reconnaître qu'à travers l'autre. Le documentaire, plus que tout autre genre cinématographique, privilégie l'autre et fait évoluer le moi. Enfin, c'est comme cela que je le conçois et que je tente de faire mes films.
Vous n'avez pas pensé à faire un film de fiction ?
Le documentaire est un genre cinématographique au même titre que la fiction. Le documentaire c'est du cinéma. J'ai une relation amoureuse avec ce genre qui est difficile. Oui, la fiction m'intéresse mais pour traiter uniquement des sujets tabous que je ne pourrais pas aborder dans le genre documentaire. Alors et seulement, j'utiliserai volontiers les outils de la fiction.
Que pensez-vous du cinéma en Algérie de cette dernière décennie ?
Il y a un renouveau, c'est évident, mais ce n'est pas suffisant. Ce qui m'intéresse ce sont les nouvelles écritures, les nouveaux sujets, plus contemporains. Tariq Teguia en fait partie.
Le langage cinématographique doit évoluer et nous devons être à l'écoute des évolutions actuelles, du côté de l'écriture, dans les technologies, dans le système de production et des soutiens financiers. Le cinéma algérien actuel n'existe que grâce à l'aide des fonds et des institutions internationales.
En Algérie, hormis les manifestations (Panaf, Alger capitale arabe, année de l'Algérie en France), il n'y a pas encore un véritable soutien et un encouragement. Il est urgent d'aller plus vite pour réformer, mettre en place des institutions de cinéma, libérer le champ médiatique où les télévisions privées et publiques pourraient participer aux financements des films, des commissions avec des personnalités compétentes.
Le producteur algérien de mon dernier film (La Chine est encore loin) demande toujours le versement des secondes tranches de subventions de l'ENTV et d'«Alger, capitale de la culture arabe 2007», soit près de trois années après la manifestation ! Ce n'est pas de cette manière que nous pouvons encourager nos producteurs et artistes à progresser.
Entretien réalisé par Belkacem Rouache


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