Un bon magistrat est celui qui écoute toutes les parties. Et les premiers concernés sont l'inculpé et la victime. Dans ce dossier, beaucoup de zones d'ombre ont apparu avec l'absence de la victime qui avait présenté un très lourd certificat médical dévastateur, qui a vu le détenu certifier à la présidente du pénal que les trois coups avaient été donnés de la tête, pas par une arme à feu. Sid Ahmed F., la quarantaine, a la mine totalement défoncée. Il est debout à la barre pour répondre pour coups et blessures volontaires à l'aide d'une arme blanche avec une incapacité pour Nasseredine G., 39 ans, enseignant, d'incapacité de 56 jours, la mâchoire ayant été complètement déboîtée et heureusement vite remise à sa place à l'hôpital. Si pour les coups et blessures volontaires, Sid Ahmed reconnaît les faits, tels que décrits par la victime. «L'usage de l'arme blanche est totalement exclue !», crie-t-il face à la présidente de la section correctionnelle. D'ailleurs, juste après qu'il eut protesté contre l'usage de l'arme blanche, la juge pose une excellente question : - «Aviez-vous ou non sorti votre PA et utilisé la crosse pour asséner trois coups successifs ?», le tout balancé avec un air plutôt allant vers le conditionnel que l'indicatif. - «Vous pensez bien que non, Madame la présidente. Quelqu'un qui dégaine une arme à feu, c'est pour tirer, pas pour s'en servir comme gourdin», explique calmement le détenu qui tient bon sur ses solides membres inférieurs qu'à l'intérieur du crâne. - «Alors, expliquez-nous un peu ces coups et l'arrêt de travail...», propose presque la présidente qui fait preuve de beaucoup de prudence dans cette affaire qui avait été jugée en flagrant délit, avec deux renvois, juste pour permettre à la victime de se présenter à la barre, mais elle ne viendra pas, comptant probablement sur le parquet. D'ailleurs, le détenu va plus loin dans sa logique : - «Madame la présidente, pourquoi la victime évite de se présenter à ma droite ?» - «Ce n'est pas le problème du tribunal. Tant qu'elle n'est pas ici, en face, nous nous nous en tiendrons à ses déclarations.» - «Et aux miennes», coupe imprudemment le détenu. - «Ah non ! Vous n'allez tout de même pas guider ces débats. Le tribunal ne vous permettra pas de troubler l'audience.» - «Je me défends, Madame la présidente. Et vous êtes ici pour écouter, toutes les parties.» - «Attention, inculpé ! Vous allez vers l'outrage au tribunal qui peut vous coûter cher», menace la magistrate qui va poser une ultime question : - «Avec quoi l'aviez- vous frappé ?» - «Trois coups de tête ! Vous avez vu ma tête ?» lâche, sans ironie, l'inculpé. Madame la présidente, le médecin légiste n'est pas responsable des termes qu'il transcrit. Il écoute la victime qui peut dire n'importe quoi. Et puis ma tête est un objet “dur” c'est vrai.» - «Vous êtes avocat, notaire, huissier, greffier ?» demande à titre de curiosité la juge qui est troublée par la culture de l'inculpé. - «Non, je suis technicien supérieur au chômage, mais je lis beaucoup», précise Sid Ahmed. - «Hum, hum ! Il manque quelque chose dans cette sombre affaire. Le tribunal décide la convocation de la victime dans deux semaines», tranche la juge que remercie l'inculpé qui va devoir rester en taule.