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Encore une sale odeur de pétrole…
Londres et Washington à la rescousse du Yémen
Publié dans Le Temps d'Algérie le 05 - 01 - 2010

Non. Ne croyez surtout pas que Barack Hussein Obama est différent de ses prédécesseurs quand il s'agit de défendre les intérêts suprêmes de son pays : les Etats-Unis d'Amérique.
Comme eux, l'actuel président américain montera au créneau à chaque fois que son pays se sentira menacé. Et particulièrement quand ce sont Al Qaïda et ses différents relais, d'anciens alliés du Pentagone, qui profèrent – opportunément ? – des menaces. L'affaire de l'attentat – manqué ? – de Detroit, le jour de Noël, et qui a tant fait couler d'encre, arrive à point nommé pour offrir en ce début d'année l'occasion – belle il est vrai – de poser le pied et d'avancer un nouveau pion dans la péninsule Arabique. Est-ce vraiment en réaction à ces menaces de terrorisme ?
Obama, suite à cet «attentat» revendiqué par la branche d'Al Qaïda au Yémen, s'est empressé d'envoyer à Sanaa le général en charge des troupes américaines au Moyen-Orient, David Petraeus, pour proposer à Ali Abdullah Saleh, le président yéménite, l'aide des USA pour combattre la nébuleuse implantée dans la péninsule Arabique.
Une réaction un peu trop rapide !
La rapidité de la réaction américaine surprend, car les Américains opèrent déjà depuis longtemps au Yémen, même s'ils ne font qu'encadrer les troupes yéménites dans leur combat contre le terrorisme.
Outre cette réaction rapide, notons celle de Gordon Brown qui a annoncé qu'il cofinancerait avec les Etats-Unis une nouvelle force de police au Yémen, pour lutter contre les réseaux terroristes dans ce pays. Ainsi, «l'axe du Bien anglo-saxon» réagit à l'unisson suite à l'attentat raté du Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab…
C'est parce qu'elle est inattendue, voire disproportionnée quant à l'acte incriminé, que cette position des deux alliés anglais et américain pose question. En effet, une telle réaction aurait pu paraître normale, voire judicieuse en septembre 2008, après le double attentat suicide à la voiture piégée qui avait fait seize morts et plusieurs blessés devant l'ambassade US à Sanaa.
A l'époque, à part des tractations secrètes entre Washington et Sanaa, qui s'était rangé juste après le 11 septembre aux côtés des Etats-Unis pour lutter contre la nébuleuse islamique, le Yémen n'avait pas particulièrement «intéressé» le Pentagone, même si Sanaa recherchait surtout de l'aide pour faire face à la rébellion chiite du Nord.
Le Yémen, nouveau bastion du terrorisme ?
Aujourd'hui, c'est à visage découvert que Sanaa revendique haut et fort ce combat contre le terrorisme et affiche son alliance avec les Américains.
Il faut dire que le Yémen, pays natal de Ben Laden, est devenu un bastion inquiétant de l'islamisme radical où s'exerce depuis quelques années une lutte d'influence que se livrent sans merci le pouvoir en place et certaines tribus, mais aussi des mouvements rebelles chiites du Nord.
Le pouvoir central a ainsi été contraint de mener de nombreuses offensives grâce au soutien, notamment, des Etats-Unis et à l'armement sophistiqué reçu à l'occasion.
C'est d'ailleurs comme cela que des raids aériens ont fait une soixantaine de morts, fin décembre 2009, parmi la rébellion qui s'est redéployée, par ailleurs, dans l'est du pays et où Sanaa a dépêché récemment des renforts militaires.
La conséquence de cette guerre qui ne veut pas dire son nom est que des milliers de familles yéménites sont contraintes à l'exil et vivent dans des camps de fortune, sans que le monde civilisé soit interpellé sur leur situation dramatique. Ces déplacés internes subissent ainsi, malgré eux, un conflit qui ne les concerne que de loin.
La CIA a infiltré les réseaux terroristes au Yémen
C'est dans le cadre de ce conflit interne que le Pentagone a alloué une aide de 70 millions de dollars s'étalant sur une période de 18 mois, pour équiper et entraîner les forces yéménites. On se rend compte que ce pays est désormais un objectif stratégique pour Washington et les stratèges américains…
Des «éminences» qui ont décidé de livrer au public, ces derniers mois, des informations de «première main» en affirmant à plusieurs reprises que le Yémen serait bientôt un inquiétant bastion du terrorisme international qu'il faudra combattre.
Tout ceci nous amène à nous interroger sur l'opportunité de ces informations que l'on nous sert, surtout quand on sait que, selon un ancien cadre des services secrets américains, «la CIA aurait envoyé au Yémen, en 2009, certains de ses meilleurs éléments pour infiltrer les réseaux terroristes en place et qui compteraient quelques centaines de membres dans ce pays».
Alors, si personne ne met en cause le fait que le Yémen est aujourd'hui dans la tourmente et abrite des insurgés qui se réclament d'Al Qaïda, il reste que cela arrange sournoisement certains intérêts, en premier lieu ceux des Etats-Unis qui viennent paradoxalement d'annoncer – alors qu'ils sont déjà embourbés en Irak et en Afghanistan – leur troisième front guerrier.
Pour comprendre l'ouverture de ce nouveau front, il suffit de se pencher sur une carte de la région (*). Comme on peut le constater, le Yémen est à la pointe de la péninsule Arabique et frontalier d'Oman et de l'Arabie Saoudite qui y a d'ailleurs pratiqué le droit de poursuite en bombardant les régions yéménites frontalières pour s'en prendre à des groupes armés d'Al Qaïda qui menaçaient le royaume saoudien.
La péninsule Arabique objet de toutes les convoitises
Le Yémen borde aussi le détroit de Bab El Mandeb qui s'ouvre sur la mer Rouge et le golfe d'Aden, tout en faisant face à l'Erythrée, Djibouti (l'Ethiopie) et la Somalie.
De ce fait, il occupe une position hautement stratégique dans cette péninsule Arabique qui recèle les plus grandes réserves énergétiques mondiales… Mais aussi à quelques encablures du Moyen-Orient et d'Israël !
Or, si les Etats-Unis ont toujours eu des relations plus qu'amicales, voire de protectorat avec la plupart des royaumes et émirats locaux, le Yémen n'en faisait pas partie, jusqu'à ce qu'il soit confronté – par hasard ? – à ces troubles et rébellions chiites des gouvernorats du Nord qui l'obligent à faire appel… aux USA pour le soutenir dans cette guerre !
Sachant par ailleurs que cette région a toujours été convoitée pour ses fabuleuses richesses depuis la fameuse route des Indes chère à l'empire colonial britannique et aujourd'hui pour ses hydrocarbures, et sachant qu'elle est au carrefour des principales voies d'accès énergétiques, tout paraît plus clair.
Quand on voit par ailleurs le nombre de bases US installées ou en voie de l'être dans la région, on ne peut que se rendre à l'évidence et se dire que, au-delà du souci de déloger les terroristes de Ben Laden dans la région, d'autres objectifs plus stratégiques apparaissent.
Et c'est en cela que la décision de Londres et de Washington de s'impliquer directement au Yémen pour prétendument aider Sanaa à combattre le terrorisme paraît cousue de fil blanc et que l'attentat manqué de Detroit était une occasion en or pour ce faire…
Gageons qu'avec les Shebabs somaliens – désormais sous influence de «djihadistes étrangers» – qui veulent en découdre avec les Américains en se déclarant prêts à prêter main-forte à leurs amis yéménites, la Corne de l'Afrique toute proche sera aussi bientôt sous l'œil du cyclone et le théâtre de nouveaux enjeux.
Des enjeux dont la finalité sera, à l'évidence, le contrôle de toutes les voies énergétiques de la région, mais surtout une mainmise assurée sur les fabuleuses ressources en hydrocarbures que recèle le sous-sol de tous ces pays musulmans…


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