Demain c'est le jour de l'an pour nous autres Amazighs d'Algérie ou d'ailleurs, qui fêterons à l'occasion le début de la 2960e année du calendrier berbère, dont l'origine remonte à 950 ans avant Jésus-Christ. 950 avant J.-C. n'est nullement la date de naissance des Amazighs, peuple presque aussi vieux que l'Afrique, mais elle est considérée comme un symbole historique à partir duquel l'ère berbère (par opposition aux autres ères chrétienne et islamique) commence, sur proposition de l'académie du même nom qui fixa comme an zéro du calendrier berbère les premières manifestations connues de la civilisation berbère, au temps de l'Égypte ancienne, lorsque le roi numide Chechonq Ier (Cacnaq), fondateur de la 22e dynastie égyptienne, prit le trône et devint pharaon en Égypte. Demain, nous célébrerons yennayer qui correspond au premier jour de janvier du Calendrier julien, qui, aujourd'hui, est décalé de 13 jours par rapport au Calendrier grégorien, soit le 14 janvier de chaque année. Suite probablement à une erreur des premières associations culturelles qui ont prôné le retour à cette fête traditionnelle, menacée de disparition, l'idée que la date traditionnelle est le 12 janvier est très répandue surtout en Algérie. Yennayer, qu'on peut traduire par le premier mois, est donc une sorte d'ouverture sur le nouvel an. «Tabburt usegg°as» (la porte de l'année) est un terme largement utilisé, surtout en Kabylie, pour désigner le mois de janvier (yennayer). Selon la légende, une vieille femme, croyant l'hiver passé, sortit, par une journée ensoleillée, dans les champs pour se moquer de lui. Yennayer mécontent emprunta deux jours à furar (février) et déclencha, pour se venger, un grand orage qui emporta, dans ses énormes flots, la vieille femme. Celle-ci était accompagnée de sa chèvre, racontent d'autres légendes. C'est le début de ce mois qu'on célèbre depuis l'antiquité dans plusieurs régions du pays. Sa célébration dénote de l'importance accordée aux rites et aux superstitions dont certaines subsistent encore de nos jours. Le repas, préparé pour la circonstance, est assez copieux et différent de ceux du quotidien. Les rites destinés à écarter la famine, augurer l'avenir, consacrer le changement et accueillir chaleureusement les forces invisibles sont effectués de façon symbolique. Pour préparer «Imensi n yennayer», les kabyles utilisent la viande de la bête sacrifiée (asfel), souvent de la volaille, pour garnir le couscous ou le berkoukes. Sont préparés aussi à l'occasion des beignets (lesfendj) et des crêpes (tighrifin). Dans certaines régions, on prépare un couscous «aux sept légumes». À Constantine, à l'est du pays, ce jour appelé «self el maaza», est fêté par la confection de succulents mets de «f'tet» ou «tridet ettadjin», une sorte de pâte très fine cuite légèrement sur un tadjine (plat) en acier avant d'être grossièrement découpée et arrosée de sauce à base de viande de mouton et de volaille. Le tout est agrémenté de grosses boulettes de semoule (boukhabbouze), cuites à part et mélangées à des grains de blé et de fèves en sauce surnommés «chercham». Yennayer sera célébré officiellement cette année dans différentes régions à l'instar de Constantine, Jijel, Tizi Ouzou ou Bordj Bouaréridj où de riches programmes sont prévus (conférences, expositions, tables rondes, récitals poétiques, séances de dégustation…).