Pour le quatrième jour consécutif, les travailleurs du port d'Alger, plus précisément les journaliers, dont le nombre est estimé à 620, sont en grève ouverte pour contester leur situation qui demeure très critique. Non seulement, disent-ils, «nous sommes sans travail, et pire encore, nous n'avons pas été payés depuis quatre mois». Pour les contestataires, la principale raison qui a motivé leur mouvement a été l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2009, de la décision de ne débarquer que les marchandises conteneurisées au port d'Alger, et la délocalisation des autres types de cargaison vers les ports de Béjaïa et Djendjen (Jijel). Cette délocalisation, expliquent-ils, les a plongés dans un chômage technique durable, étant donné que l'activité au port d'Alger ne connaît plus le même rythme qu'auparavant. Pour se faire entendre, les journaliers se sont regroupés hier devant la direction générale du port d'Alger qu'ils accusent de faire la sourde oreille. Selon les dires des grévistes, «le directeur du port d'Alger n'a rien voulu savoir, et il a jeté la balle dans le camp du ministère des Transports, prétextant que c'est la tutelle qui est à l'origine de la décentralisation des activités portuaires vers les autres ports». A noter que la majorité écrasante de ces travailleurs cumule une expérience allant de 7 à 8 ans. Les journaliers sont recrutés sur la base d'un contrat d'une durée de trois mois renouvelable. Ce qui les inquiète, c'est la régression de l'activité du port d'Alger, pratiquement à l'arrêt, qui les expose à l'éventualité d'un licenciement. «Je travaille depuis sept ans dans ce port, mais depuis le mois d'octobre, je n'ai pas perçu ma paie. Le plus grave, c'est qu'on nous insinue un probable licenciement ; nous sommes vraiment dans la tourmente», nous dit, l'air abattu, Nadir, un jeune père de famille. Vu la gravité de la situation, les protestataires font de leur mieux pour se faire entendre, dans l'unique objectif de reprendre leur travail. La difficulté réside dans le fait qu'ils n'ont pas de section syndicale, le mandat de l'ancien conseil ayant pris fin récemment. Sur ce point précis, ils s'accordent à dire qu'ils sont totalement livrés à eux-mêmes car la mise en place d'une nouvelle section syndicale ne se fera pas avant six mois ! Telle est la cause qui a poussé ces journaliers à opter pour ce mouvement de grève. Un salaire de base à 16 600 DA, une fiche de paie de 1000 DA ! Autre anomalie décriée par les protestataires, la confusion entre la paie et le salaire de base. La plupart travaillent 1 à 2 jours par mois. Leur paie varie entre 1000 et 3000 DA au maximum ! Ils ne sont donc rémunérés que pour les journées effectivement travaillées alors qu'ils sont salariés. «Voici ma fiche de paie, vous constaterez vous-même le montant (il a perçu 1360 DA !) ; c'est grave, je dirai même que c'est un vrai massacre subi par les 620 travailleurs», nous dit Kamel. Un autre journalier, d'un âge avancé, nous confie ceci : «J'ai presque dix ans dans cette entreprise, et j'ai à ma charge 4 enfants. Pour les nourrir, j'ai été obligé de vendre mes meubles car je n'ai pas été payé depuis octobre dernier». Les nombreux grévistes qui étaient rassemblés hier devant le siège de la direction générale du Port d'Alger scandaient un seul mot d'ordre : reprendre immédiatement une activité quotidienne. «Nous n'avons aucune condition à formuler, mis à part la reprise de l'activité au quotidien. Nous en avons assez de venir pour ne rien faire et de retourner chez nous sans aucun sou en poche». Dans l'attente d'une solution, les 620 journaliers campent sur leurs positions et sont déterminés à aller jusqu'au bout pour obtenir satisfaction en invitant le ministère des Transports et la direction générale du Port d'Alger à trouver une issue satisfaisante à leur revendication.