rassemblement devant le siège de l'UGTADes centaines de dockers réclament leur droit à un syndicatLe hall de l'imposant bâtiment qui abrite la direction de l'UGTA, situé à la place du 1er Mai (Alger), est devenu un espace de lamentations. Depuis des mois, voire des années, les laissés-pour-compte du monde du travail l'occupent pour exprimer leur ras-le-bol. Hier, ils étaient des dizaines, peut-être même des centaines, comme l'affirment les syndicalistes, à crier leur colère. D'un côté, les travailleurs de Sonatro – un fleuron des travaux publics routiers sacrifié sur l'autel de l'économie de marché – qui « interpellent l'opinion » sur leur « désastreuse » situation et d'un autre, les dockers du port d'Alger qui réclament à la direction de l'UGTA « le droit de s'organiser pour faire face à la déferlante de la privatisation ». Les deux dénoncent « l'impassibilité » de leur organisation syndicale face au danger qui menace l'avenir de leur « gagne-pain ». Brandissant des banderoles et scandant des slogans contre ce qu'ils qualifient de « hogra » (oppression), les dockers se disent « totalement » abandonnés par l'UGTA, dont la direction, expliquent-ils, « fait tout pour maintenir la situation de marasme ». Khennouche Abdelkader, un des porte-parole du collectif, estime que ses collègues n'ont plus la force de continuer à subir les menaces de perte de leur emploi. « Nous n'avons pas pu réagir face au danger qui guette notre travail parce que tout simplement, nous n'avons pu organiser une assemblée générale pour constituer la section syndicale. Cela fait plus de quatre ans que le mandat de l'actuelle direction a expiré et le secrétariat organique refuse de nous donner une date pour renouveler nos instances. Sans section syndicale, nous ne pouvons organiser aucune action. Ni grève pour protester contre la mise au chômage des journaliers ni même un communiqué pour informer les travailleurs de l'avenir de leur emploi », a-t-il déclaré. Pour lui, toute action de protestation s'avérera illégale si elle ne s'organise pas dans un cadre réglementaire. « Cela fait des mois que nous insistons auprès de la centrale syndicale, mais aucune réponse ne nous a été donnée, comme si cette situation de statu quo l'arrange. Jusqu'à quand allons-nous assister impuissants à la mise à mort de notre entreprise ? », s'interroge M. Khennouche. D'autres dockers lui emboîtent le pas et s'expriment d'un ton coléreux sur leur situation. « En interdisant la marchandise non conteneurisée au port d'Alger, ils ont mis à mort plus d'un millier d'ouvriers, dont au moins 500 n'auront plus leur salaire dès le mois prochain, et les contractuels perdront eux aussi leur travail, dès la fin de l'année. L'entreprise, du fait de la perte de 30% de ses activités, sera dans l'obligation de mettre au chômage les catégories les plus vulnérables », a déclaré un ouvrier journalier. Un autre dénonce la « passivité » de l'UGTA face à la privatisation du port, mais aussi la perte des postes de travail. « Nous sommes fidèles à l'organisation, mais les agissements de ses dirigeants nous poussent à penser que les intérêts des travailleurs n'ont jamais fait partie de leurs préoccupations », a annoncé Mohamed, père de six enfants, sur la liste des journaliers concernés par la mise au chômage. « Nous sommes en Algérie et vous savez très bien que nous ne pouvons pas aller vers la création d'un syndicat autonome, parce qu'ils ne nous laisseront jamais. Les expériences précédentes l'ont à mainte fois démontré. Nous voulons créer notre section sous l'égide de l'UGTA, et si la centrale refuse toujours de nous donner une date pour l'assemblée générale, nous allons recourir à d'autres actions qui les pousseront à réagir », a souligné M. Khennouche, précisant qu'un rendez-vous a été fixé entre les travailleurs pour se retrouver mercredi prochain au même endroit afin de faire pression sur la direction de l'UGTA, « avant de passer à une autre étape de revendications ». Du côté de la centrale, aucun responsable n'est venu réconforter les protestants. Néanmoins, dans les coulisses, des pressions ont été exercées par certains secrétaires nationaux pour faire reculer les dockers de leurs actions, sous prétexte que « la santé » de Abdelmadjid Sidi Saïd, SG de la centrale, l'a obligé à être loin de la scène. « Il faut lui donner le temps d'être informé de la situation », leur ont-ils souligné. Après trois heures de manifestation, les travailleurs se sont quittés en se donnant rendez-vous pour mercredi prochain au même endroit. Cette fois-ci, ils se déclarent décidés à occuper le terrain de la protestation, pour éviter de rejoindre les oubliés, comme ceux de Sonatro qui battent le pavé depuis des mois.