Des efforts surhumains ont été menés depuis novembre 2009 par l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, l'Américain Christopher Ross, pour convaincre un Maroc rétif au droit international de tenir avec le Front Polisario une seconde séance de pourparlers informels préparatifs à un 5e round de négociations directes sur l'avenir du peuple sahraoui. Enfin, ces efforts ont abouti, et une seconde réunion informelle est prévue pour mercredi et jeudi prochains près de New York. L'information annoncée mardi par un responsable onusien faisait savoir que le secrétaire général «est heureux d'apprendre que les parties sont tombées d'accord sur la proposition» de son envoyé personnel, d'organiser les 10 et 11 février des pourparlers informels sur le Sahara occidental. Le texte ajoutait que cette réunion «sera basée sur les lignes directrices tracées par les termes de la résolution 1871 (de 2009) du Conseil de sécurité, et ceux de résolutions antérieures». Ces résolutions sont claires lorsqu'elles stipulent que les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, sont invitées à des négociations directes «sans conditions préalables et de bonne foi», pour trouver «une solution politique mutuellement acceptable», qui respecte «le droit du peuple à l'autodétermination». Déni de droit Cette fois-ci encore, Ban Ki-moon dit qu'il «encourage» les deux parties à «faire des progrès supplémentaires» et les «exhorte à s'engager dans des discussions ciblées et productives». On sait qu'une rencontre similaire avait eu lieu en août 2009 à Vienne, mais le médiateur onusien avait alors déploré qu'elle n'avait abouti à aucune avancée réelle, perpétuant la question sahraouie dans le statu quo. C'est que Rabat, fort du soutien de la France, seul membre permanent au Conseil de sécurité à dénier au peuple sahraoui son droit à choisir librement son avenir, foule aux pieds les résolutions onusiennes en déniant d'abord au Sahraouis ce droit universel et surtout en mettant en avant une condition préalable aux négociations, soit l'acceptable des discussions sur sa seule proposition de solution, cette fumeuse autonomie du territoire sous sa souveraineté. Les quatre rounds de négociations directes entre les deux belligérants, auxquels étaient invitées la Mauritanie et l'Algérie en tant que pays voisins, engagés depuis juin 2007 ont achoppé sur l'intransigeance de Rabat de se plier au droit international, en acceptant un référendum sous l'égide des Nations unies, par lequel le peuple sahraoui serait invité à choisir entre son rattachement au Maroc, son accès à l'autonomie sous souveraineté marocaine ou son indépendance pure et simple. Le Maroc ferme la porte Ce sont là les trois options avancées par le Polisario et transmises à l'ONU. Or le Maroc ferme la porte et ne veut négocier que sur la base de «sa» solution, ruant véhémentement dans les brancards et pointant le doigt vers l'Algérie qu'il accuse d'être le tuteur des Sahraouis sous bénéfice d'inventaire. Rabat ne veut à aucun prix lâcher le riche territoire sahraoui et pour conserver son occupation indéfiniment et poursuivre le pillage de ses ressources naturelles, il fait de l'Algérie un bouc émissaire dans cette affaire de décolonisation maintes fois réaffirmée par les Nations unies de par sa 4e commission. Ce pillage des ressources qui dure depuis l'occupation du Sahara occidental en 1975 profite aussi à l'Union européenne, seul regroupement régional à avoir signé avec Rabat un accord de pêche permettant aux pays européens de disposer des eaux maritimes sahraouies, alors même que le droit international interdit l'exploitation par des tiers des ressources d'un territoire «non autonome», comme l'est le Sahara occidental ainsi que 15 autres territoires de par le monde. Rabat exploite également, avec la bénédiction intéressée de la France et d'autres pays occidentaux, les très riches gisements de phosphate sahraouis, qui lui rapportent annuellement plus de 10 milliards de dollars, une rente usurpée qui lui permet de financer «l'effort de guerre» dans le «triangle utile» qu'il s'était approprié en construisant un mur de sable avec l'aide d'Israël et de la France. Rabat dépense au moins 4 milliards de dollars par an pour maintenir face au mur des contingents de soldats marocains fortement équipés, mais aussi pour faire face aux dépenses générées par la présence dans les territoires occupés sahraouis de milliers de policiers, gendarmes et autres agents administrant par la force un peuple mis sous l'éteignoir et auquel est dénié jusqu'au droit de manifester pacifiquement contre cette présence étrangère sur son sol. Le propre du colonisateur Cela est le propre des colonisateurs depuis toujours. Rabat, qui considère «obsolète» dans sa nouvelle stratégie coloniale le référendum d'autodétermination décidé par l'ONU, accepte cependant la présence la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) de se déployer depuis septembre 1991, date de la signature avec le Polisario d'un arrêt des combats. La Minurso est chargée entre autres de «surveiller» ce cessez-le-feu, mais sa tâche d'organiser un référendum, qui permettrait aux habitants du Sahara occidental habilités à voter de décider du statut futur du territoire, n'est plus dans l'agenda des autorités marocaines d'occupation, qui tentent vaille que vaille de marocaniser les populations sahraouies contre leur gré. Sa nouvelle stratégie consiste à présent à accuser l'Algérie de «séquestrer des milliers de Marocains dans les camps de Tindouf», en allusion aux 160 000 réfugiés sahraouis. Dans son cynisme inégalé, Rabat ne dirige ses banderilles que vers son voisin de l'Est, qui ne s'est jamais départi de son principe de soutien inconditionnel aux mouvements de libération de par le monde, alors que l'Etat sahraoui, en exil, est reconnu et soutenu par plus de 80 pays de par le monde. Le jeune Etat sahraoui, qui contrôle une partie libérée du Sahara occidental, accueille pour l'heure les représentations diplomatiques de deux pays, l'Afrique du Sud et le Venezuela, mais il dispose de dizaines d'ambassadeurs dans les pays qui le reconnaissent et de représentants diplomatiques partout dans le monde, y compris aux Nations unies. Cette réalité criante ne fait pas pourtant plier le Maroc qui a quitté l'organisation panafricaine lorsque celle-ci avait, au début des années 1980, accueilli dans ses rangs la RASD, qui reste jusqu'à aujourd'hui membre à part entière de cette instance. Manœuvres Aujourd'hui, et alors que le Maroc, dans son énième manœuvre d'étouffer toute velléité du peuple sahraoui de faire entendre sa voix, accepte une nouvelle rencontre avec le seul représentant légitime de ce dernier, le Polisario, il ne faut pas s'attendre à un miracle, même si en réaction à cette acceptation le représentant du Polisario aux Nations unies, Ahmed Boukhari, émettait le vœu de voir le Maroc revenir à meilleurs sentiments. Il est à parier qu'au sortir de la réunion informelle de la semaine prochaine, on entendrait l'éternel constat selon lequel les discussions n'ont pas abouti à du concret. Le Maroc continuera à tergiverser et à vouloir imposer son option de règlement du problème, comme le font assidûment les Israéliens dans leurs négociations avec les Palestiniens. Rabat est bien conseillé par Israël dans cette question, les deux compères, qui occupent deux pays contre la volonté internationale, sont sur la même longueur d'onde pour perpétuer le statu quo, étant soutenus par les plus forts. Les deux compères discutent avec leurs antagonistes mais parviennent toujours à différer les vraies solutions. Aussi bien Israël que le Maroc, qui violent allègrement les droits de l'homme des peuples palestinien et sahraoui occupés, ne sont pas sérieusement inquiétés par la communauté internationale, malgré les rapports accablants des ONG internationales. D'ailleurs, le Maroc a trouvé l'astuce pour se maintenir indéfiniment au Sahara occidental, qui consiste à mettre en œuvre incessamment ce qu'il appelle «la régionalisation». Il est clair que le roi du Maroc n'a pas fait tout seul cette trouvaille, qui signifie que Rabat est déterminé à appliquer l'autonomie du Sahara occidental tant vantée. Or un tel dessein peut-il se réaliser sans l'aval des Nations unies, et surtout celui du peuple sahraoui, premier concerné ?