L'abus toléré ! Il n'y a pas mieux comme définition pour résumer le recours exagéré à la formule du gré à gré au sujet de laquelle on ne dira jamais assez qu'elle permet à des responsables indélicats de se tailler la part du lion à l'occasion de passations de marchés publics. Cette réalité est en effet connue de tous, et nul parmi les acteurs de la sphère économiques, de la finance et même des hautes autorités de l'Etat n'est censé ignorer que la formule du gré à gré, érigée en pratique courante alors qu'elle n'est autorisée que dans des situations d'exception, ouvre la voie à bien des dépassements, provoquant des scandales répétés de corruption se traduisant par des dilapidations des deniers publics. La machine judiciaire qui est ensuite mise en branle pour élucider ce genre d'affaires, situer les responsabilités et prononcer des condamnations à l'encontre des personnes incriminées suscite toujours un intérêt particulier de l'opinion publique qui suit de près son évolution, guettant le moindre rebondissement. Cet intérêt se confirme présentement à travers l'affaire Sonatrach et, juste avant, de l'autoroute Est-Ouest. A elles seules, ces deux affaires continuent d'alimenter les débats sur la place publique vu qu'elles ont été, l'une comme l'autre, d'un impact médiatique retentissant, notamment par le profil des personnes mises en cause. Des débats où la formule du gré à gré revient tel un leitmotiv comme le procédé par lequel le scandale arrive. Pourtant, Sonatrach a déjà contracté pas moins de 1600 marchés de gré à gré durant les dix dernières années, rapportent des sources concordantes. Ce même procédé est aussi de mise dans le secteur des Travaux publics. Bien qu'il ait été établi que ce mode de passation de marchés entraîne des conséquences néfastes et se décrit, de l'avis des experts, comme une formule qui ouvre la porte à tous les abus, le gré à gré semble avoir de beaux jours devant lui. Preuve en est, le code des marchés publics, quoi qu'il ait fait l'objet d'une double révision, l'une en 2006 et l'autre deux années plus tard, n'interdit toujours pas le recours au gré à gré. Une troisième révision est encore annoncée par les autorités, sauf que son impact pour l'heure s'est juste limité à son effet d'annonce faite par le ministre des PME, Mustapha Benbada, à la fin du mois dernier. Toujours est-il que le gré à gré constitue inévitablement une sorte de «bête noire» qui complique la tâche des acteurs de lutte contre la corruption, une des missions recommandées par le premier magistrat du pays qui n'a pas manqué en outre d'ordonner la mise en place de tout un arsenal juridique en vue d'aboutir à cette finalité.