Les greffiers qui demeurent le pilier principal d'une audience ou des guichets se plaignent d'être sous-payés par rapport à ceux auxquels ils portent le seau d'eau. Mais voilà que de temps à autre la tutelle leur tombe dessus. Pour n'importe quel motif, c'est d'abord la suspension, ensuite l'inculpation et enfin la comparution. A Bir Mourad Raïs (cour d'Alger), un élément demande à un justiciable de revenir à 13h30 sans dire la raison du renvoi. Or un inspecteur était dans les parages et a pris la main dans le sac le greffier, soudain défaillant. Pour l'avocat de Naïri, si le justiciable ignore de quelle manière on retire un document, l'inspecteur sait que le document doit être signé par le magistrat de permanence. Or, à 12h20, le permanencier était à table, donc il ne pouvait signer l'extrait demandé. A la barre, maître Zouina refuse de demander la relaxe mais le classement de l'affaire. Et la justice va donner raison à la raison. Belkacem Naïri est greffier depuis plus d'un quart de siècle. Il exerce dans un appareil qui adore bouffer sa progéniture. Saâd Hasni d'El Harrach, Otmani Mahdjoub de Bir Mourad Raïs en savent quelque chose. Et à Bir Mourad Raïs (cour d'Alger), on tire sur tout ce qui bouge. Non pas que cela vienne de Bouchra Mihoubi, la présidente du tribunal, ou encore de Zouhir Talbi, le procureur, mais tout simplement les «cow-boys» qui dégainent plus vite que les plaintes, nous nommons certains inspecteurs dont les descentes sont... mortelles, blessantes, à la limite de l'humiliation. Il est certes vrai que les visites des inspecteurs doivent panser des plaies, traduire en justice les commis, les fonctionnaires, voire les magistrats pris la main dans le sac, bévue lorsque ce n'est pas un délit ou un crime, mais il est tout aussi vrai que ces mêmes inspecteurs devraient tourner leur langue dans le palais avant de prendre un élément autour d'une faute, si faute il pouvait y avoir et le jeter au feu des poursuites. Naïri avait été inculpé et jugé par le tribunal où il exerce : Bir Mourad Raïs. Fatiha Fellah, la présidente de la section correctionnelle de l'époque, ne pouvait qu'accorder la relaxe à Naïri poursuivi pour mauvaise gestion dans la fonction et son exercice - article 11-33 de la loi 01-06. Le parquetier avait requis deux ans de prison ferme. Et tout ce drame a eu lieu parce que Naïri avait demandé à un justiciable impatient de revenir à 13h, le temps que le magistrat de permanence chargé de signer le document demandé revienne. Et l'inspecteur venu soi-disant épier les faits et gestes des commis du tribunal avait une autre opinion de cette attente injustifiée aux yeux de l'inspecteur. Maître Chadli Zouina, l'avocat à titre gracieux du greffier avait d'ailleurs plaidé l'esprit de justice de l'«inculpé» qui avait considéré que ce jour 17 justiciables avaient été invités à revenir à 13h, alors qu'il était 12h20 au moment du passage de l'inspecteur. Devant le tribunal de la deuxième chambre pénale d'Alger, Mehdi Kouchim, Brahim Kharabi et Faïza Aït Mesbah, maître Zouina avait affiché son plus beau sourire pour demander non pas la relaxe, mais le classement de l'affaire purement et simplement. «Ce qui est regrettable, avait articulé l'avocat de Sidi Yahia, c'est l'acharnement du parquet qui avait interjeté appel après le juste verdict de Fellah qui a jugé sur pièce, ne trouvant rien à se mettre sous la dent et donc dans les attendus : c'est presque tragique comique.» Et la relaxe définitive prononcée par Kharabi a rendu le sourire à tous.