Il y a comme une bonne dose de cynisme que personne ne peut ne pas avoir relevé dans le message de remerciements adressé mardi par Nicolas Sarkozy à Ahmadou Touré. Le locataire de l´Elysée félicite le président malien pour la «bonne et adroite gestion» de l´affaire de l´otage français Pierre Camette, libéré (dans quelles conditions on le verra) après trois mois de captivité dans le nord du Mali par Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Personne n´aurait trouvé à redire si le président français s´était contenté d´exprimer le «soulagement», en soi légitime, du chef de l´Etat du pays d´origine de l´otage dont la vie était menacée par ses ravisseurs. Nicolas Sarkozy a ajouté dans son message la phrase qu´il ne fallait pas quand il a assuré son homologue malien de «l´engagement de la France dans la lutte contre le terrorisme». Un otage est libre, certes. C´est une excellente nouvelle et pas seulement pour sa famille. Mais en échange de quoi. L´annonce de cette libération ne doit pas faire l´impasse sur cette vérité qui fait mal aux Algériens et aux Mauritaniens : quatre terroristes des plus sauvages sont, eux aussi, libres. L´un d´entre eux, au moins, n´est autre que le responsable de l´attentat d´avril 2007 à Alger qui a fait des dizaines de morts. Le ridicule a eu également tous ses droits à Bamako au cours d´une parodie de «procès express» des quatre terroristes condamnés à des peines de prison qu´ils ont déjà accomplies. Un scénario mis en place par les autorités maliennes au lendemain même de la visite secrète dans la capitale malienne de Bernard Kouchner. Ce fut la réponse de ce pays voisin aux incessantes démarches de l´Algérie auprès du gouvernement malien pour obtenir l´extradition des terroristes incarcérés au Mali. Du beau travail Bernard Kouchner ! La libération du Français annonce très certainement celle des trois autres otages espagnols et de l´Italien qui sont pour très peu de temps encore aux mains d´Al Qaïda. Le gouvernement espagnol a versé la rançon de 4 millions de dollars qui est déjà dans les caisses d'Al Qaïda. Le virement a été fait par la Fondation Kadhafi que Madrid remboursera avec un maximum de discrétion. Résumons-nous : des terroristes en liberté, l´argent plein les poches pour s´acheter des armes et fabriquer des bombes qu´ils iront placer dans des lieux publics en Algérie. Bravo Zapatero. Ni la France, ni l´Espagne, ni avant eux l´Allemagne, l´Autriche ou le Canada, n´ont exprimé le moindre souci sur la destination des terroristes remis en liberté sur instruction de la France et l´usage qui sera fait de la rançon espagnole. L´Algérie a vivement protesté contre la libération des quatre terroristes en décidant de rappeler en consultations leurs ambassadeurs respectifs à Bamako. Le communiqué du ministère des Affaires étrangères dans lequel le gouvernement algérien «condamne et dénonce avec vigueur l´attitude inamicale» d´un pays proche comme le Mali est aussi un message pour les bailleurs de fonds du terrorisme. La décision du gouvernement malien sur pression de la France est, comme le dit clairement le communiqué algérien, «très dangereuse pour la sécurité de la région». Concrètement l´Espagne achète des armes pour Al Qaïda. L´affaire des otages et des rançons n´est pas un dossier clos. Dans son intervention, en septembre 2009 devant l´Assemblée générale de l´ONU, le président Abdelaziz Bouteflika avait averti que le paiement des rançons sert au financement des activités du terrorisme en Algérie. Depuis, l´Algérie œuvre activement aux Nations unies pour l´adoption d´une résolution par le Conseil de sécurité criminalisant le versement des rançons par les Etats directement ou à travers des intermédiaires. Une affaire qui ne fait que commencer.