Peut-on lutter contre le terrorisme tout en négociant la libération de terroristes qui sèment encore la terreur? Tout heureux et content de la politique dangereuse de la France en matière de sécurité, le président français, Nicolas Sarkozy, a «remercié» le président malien Amadou Toumani Touré d'avoir libéré les terroristes. En visite de deux heures à Bamako, le président français a qualifié la soumission du gouvernement malien au chantage des terroristes de «courageuse». Façon de montrer toute sa gratitude et sa reconnaissance au président malien qui a libéré, sous la pression de Paris, les quatre terroristes comme exigé par Al Qaîda pour assurer la vie à un ressortissant français, Pierre Camatte, kidnappé au Mali par les groupes armés. Nicolas Sarkozy a ainsi encouragé son homologue malien lui déclarant que le gouvernement malien a pris «la bonne décision». «Nous tenons à remercier - je veux le faire du fond du coeur - le président du Mali, qui a été un homme courageux, humain et qui a accepté de considérer que la vie d'un homme, Pierre Camatte, méritait un certain nombre d'efforts, de prises de responsabilité», a déclaré M.Sarkozy, au cours d'une conférence de presse au Palais de la présidence malienne, dont les propos ont été rapportés par les agences. Le sacrifice et la responsabilité pour M.Sarkozy est le fait de sauver la vie à un ressortissant français au détriment de la sécurité des milliers d'autres citoyens de la région. Autrement dit, le président français a assuré la survie de son «compatriote» à un prix très fort: négocier la libération de M.Camatte avec des terroristes qui mettent en péril la vie de centaines d'autres citoyens de cette région connue par la forte activité des groupes armés. Ce n'est pas tout. En remerciant le président qui a libéré des terroristes, soulignons-le, sous la pression du gouvernement français, Nicolas Sarkozy salue ainsi l'action d'un pays qui a violé la Convention qu'il a signée avec un autre pays (l'Algérie en l'occurrence) portant sur l'extradition de terroristes. M.Sarkozy encourage un pays qui, dans cette affaire, a fait peu cas des conventions régionales et internationales en matière de sécurité. En outre, M.Sarkozy a déclaré que les terroristes avaient l'intention d'exécuter l'otage français. «Si le président ATT n'avait pas décidé ce qu'il avait décidé, je l'ai dit à Camatte, il ne serait pas là aujourd'hui (...) Notre certitude, notre conviction, c'est que ceux qui ont pris Camatte avaient l'intention de le tuer», a-t-il ajouté, en présence de l'ex-otage mais aussi du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner et du secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet. Mais M.Sarkozy ne sait plus sur quel pied danser. Les déclarations contradictoires du président français déferlent en cascade. Tout en félicitant le Mali d'avoir cédé au chantage des terroristes, M.Sarkozy assure Bamako du «soutien» de la France pour une «lutte déterminée» contre les terroristes! «Nous allons passer à une deuxième phase, qui est une phase de lutte déterminée contre ces assassins et terroristes et le Mali peut compter sur notre soutien», a affirmé Nicolas Sarkozy à son vis-à-vis. De quelle lutte parle M.Sarkozy? Ou faut-il comprendre que la France combat le terrorisme tant que des Français ne sont pas otages ou impliqués? Voilà qui est nouveau et introduit une notion à tout le moins absconse de l'action internationale de lutte contre le terrorisme. Peut-on lutter contre le terrorisme tout en négociant la libération de ses ressortissants avec des terroristes qui sèment encore la terreur? Seul le président français est en mesure d'expliquer cette vision machiavélique de mise en «déroute» de ce fléau mondial. Pour l'Hexagone, le seul et unique souci est d'arriver à assurer la protection des ressortissants français à n'importe quel prix. C'est ce qu'a, d'ailleurs, affirmé l'hôte de l'Elysée, lorsque il a dit haut et fort que la libération de l'otage français est une affaire d'Etat qu'il faut résoudre par tous les moyens. Cela n'a pas été des paroles en l'air. Les actes sont là. Personne, excepté les responsables français, n'aurait osé user de ces «tous moyens» qui vont jusqu'au paiement de rançon ou pis encore, négocier avec les terroristes. L'otage français est libre. Mais à quel prix? Quel crédit peut-on désormais accorder aux affirmations de la France quant à la lutte antiterroriste? Outre le Français, les terroristes sont eux aussi libres. Pour mieux satisfaire son hôte et s'assurer du soutien de la France, le président malien Amadou Toumani Touré (dit ATT) a laissé entendre que le Mali était «obligé de faire quelque chose pour libérer Pierre (Camatte)», a-t-il justifié. Pour M.Touré, le petit «quelque chose» qu'a fait le Mali pour la France est de libérer les terroristes qui menacent la sécurité de son territoire et celui des pays voisins. «Au lieu que chacun rejette la responsabilité sur l'autre, qu'on dégage des plans d'action communs pour lutter contre le terrorisme», a-t-il encore ajouté. Nouakchott et Alger avaient vivement dénoncé l'attitude des autorités maliennes, auxquelles elles reprochent d'avoir remis en liberté quatre présumés terroristes. En signe de protestation, les deux capitales avaient rappelé leurs ambassadeurs à Bamako.