Au moins 400 entreprises algériennes peuvent devenir des champions à l'échelle nationale, mais à l'international, il faudra abandonner la dichotomie entre le secteur public et le secteur privé, selon Michel Delattre, consultant auprès de Stratégie de développement et partenariat euro-Maghreb sur les 730 PME ayant bénéficié du programme Meda de mise à niveau. Déjà en 2006, alors qu'il était en charge du programme, sur les 2 500 entreprises algériennes existantes, au moins 400 répondaient aux critères de prédisposition pour émerger en tant que champions nationaux, a souligné hier M. Delattre, en marge du petit-déjeuner débat organisé par CARE, à Alger sur «L'émergence de champions nationaux : rêve ou réalité», en ajoutant que «sur l'échelon international, cela dépendra de chacune d'elles. Il est à rappeler que ces critères concernent l'âge de l'entreprise, soit deux années d'existence, le nombre de 20 salariés et enfin les secteurs de production comme les mines, le tourisme, les travaux publics et autres. Sur les 450 entreprises ayant bénéficié de plus de trois actions du programme de mise à niveau, au moins 400 prétendent à devenir des leaders nationaux, mais pour aller vers l'international, c'est aux chefs de ces entreprises de se déployer car personne ne peut le faire à leur place. Il poursuivra pour dire que «ce ne sont pas les grands groupes qui peuvent devenir des leaders, mais de petites entreprises performantes dans leurs disciplines respectives qui deviennent des champions. C'est comme en sport». Cependant, «en Algérie, il existe une dichotomie entre privé et public mais il faut réfléchir en termes d'entreprise nationale», a-t-il recommandé. Pour lui, «il ne faut pas raisonner en termes de champion dans son secteur mais dans un créneau ou une activité». L'Etat doit jouer un rôle «intermédiaire» Pour ce faire, l'Etat devra jouer un rôle «intermédiaire» et s'éloigner de l'idée proposée jusque-là celle de construire sa stratégie de faire émerger des «champions nationaux» autour des entreprises publiques, a indiqué l'économiste Abdelmadjid Bouzidi qui a estimé que «la stratégie de Temmar (ministre de l'Industrie et de la promotion de l'investissement) va dans le mur». Cet économiste expliquera ce fait par «l'absence d'ouverture de l'économie algérienne parce qu'il y a la rente pétrolière et si on ouvre l'économie en Algérie, il faudra donc revoir la distribution des richesses». Il argumente l'absence d'ouverture de l'économie nationale par l'absence de liberté de mouvement des capitaux, pas de liberté de change et l'inexistence d'un marché financier». Pour lui, l'issue est de «créer un couloir vert d'entreprises éligibles pour devenir champions internationaux» en se basant sur l'Economie fondée sur la connaissance (EFC), en d'autres termes les «compétences». Il rejette l'idée d'«une industrialisation de masse», comme le souhaite l'Etat car cette politique aurait réussi dans les années 70 mais plus maintenant dans un contexte de mondialisation. Ainsi, selon lui, l'Etat fait une «politique industrielle» puis ensuite «une économie industrielle». Pour revenir sur l'EFC, M. Bouzidi a rappelé l'étude présentée par le Conseil national économique et social (CNES) aux Nations unies qui a valu à l'Algérie des invitations en Egypte et en Tunisie pour l'exposer vu son importance. «Quand le climat des affaires n'est pas sûr, cela favorise l'informel» Pour sa part, Nadhir Laggoune, consultant et membre de CARE, considère que «dans le contexte actuel en Algérie où les règles économiques ne sont pas claires et changent tous les deux ans, les entreprises algériennes ne peuvent émerger en tant que champions nationaux en dépit d'un bon code d'investissement mais pas de garantie». D'ailleurs, dira-t-il, «quand le climat des affaires n'est pas sûr, cela favorise l'informel». Enfin, la question de l'assurance des entreprises a été évoquée par M. Boudra, président de CARE qui a relevé que les entrepreneurs privés refusent de s'assurer auprès des assureurs privés. Ce qui constitue, à son avis, un frein à l'émergence des sociétés d'assurances privées en tant que champions dans leur activité. Il est à signaler que toute action liée à l'entreprise peut être assurée, même la gestion, selon les experts présents lors du débat.