Slimane Mégateli, un harki décédé récemment en France, a légué un bien curieux héritage à sa progéniture qui ne sait où l'enterrer. A Médéa, d'où il est originaire, comme le veut sa seconde épouse, de nationalité algérienne, et ses 4 enfants, ou, comme le souhaitent ses enfants plus âgés, nés de son premier lit avec une Marocaine, dans un caveau du carré musulman des Trois-Chênes à Angoulême ? Le tribunal d'instance d'Angoulême où s'est jouée la première manche de ce duel familial a donné raison à la seconde épouse qui considère que l'enterrement de son défunt époux en Algérie va de soi «parce que telles étaient ses dernières volontés». Pour ce faire, l'épouse algérienne avait au préalable contacté le consulat d'Algérie pour les formalités d'usage, et le transfèrement du corps devait avoir lieu par avion mercredi dernier. Le lendemain, dans l'après-midi, le tribunal d'Angoulême rend son délibéré, estimant que la dernière épouse est dans son droit. Le juge autorise donc la poursuite de la procédure pour que la dépouille mortelle puisse être transférée en Algérie. Or les enfants du premier lit s'y opposent, considérant que leur père est né français et qu'il est mort français. En conséquence, il devrait être naturellement enterré en France. D'après eux, leur père, Slimane Mégateli, n'a jamais formulé le désir d'être enterré en Algérie mais qu'il aurait «toujours» affiché sa volonté d'être inhumé sur sa terre d'accueil, où il vit depuis 1962 et pour laquelle le harki s'est battu. Ils ont par conséquent fait appel de la décision et pris l'attache d'un avocat de Cognac. L'affaire sera à nouveau étudiée aujourd'hui devant la cour d'appel de Bordeaux. Le conflit aurait pu en demeurer là n'était l'intrusion de nombreux harkis qui ont tenté de politiser une affaire strictement familiale. Ainsi, venus en nombre, ils ont saisi l'opportunité de ce procès pour soutenir les enfants Mégateli (ceux issus du premier mariage) en exigeant que le défunt soit enterré au cimetière des Trois-Chênes, comme il l'aurait d'ailleurs souhaité, selon eux. De plus, ils n'ont pas raté l'occasion de s'attaquer, une fois encore, à l'Algérie et à ses symboles. Le procès est devenu une tribune d'expression pour ces revanchards qui, au lieu de demander des comptes à la patrie qui les a adoptés, s'en prennent systématiquement à l'Algérie indépendante. Une jeune femme, présente au procès, a cependant démoli en quelques mots tout leur savant argumentaire. Selon elle, dire que les harkis ne pourraient ni se rendre ni être enterrés en Algérie est un argument qui ne tient pas. «Les harkis d'Angoulême sont tous allés au bled. Aucun n'a été égorgé», conclut-elle, de manière sentencieuse.