C'est désormais chose confirmée, le président Karzaï n'a pas la langue sous son shalouar-kamise. En trois jours, il vient d'inquiéter par deux fois l'Occident. Plus une déclaration de sa part qui ne suscite pas polémique. A ce rythme, Washington et ses alliés doivent-ils apprendre à retenir leur souffle à chaque fois que le président afghan passe à la télé ? La semaine dernière, Hillary Clinton a dû l'appeler en personne pour mieux cerner ses séditieux propos. En poste, au cœur du bunker vert, certains ambassadeurs occidentaux et des hauts responsables de l'Onu avaient blêmi rien qu'à l'écoute du maître contesté de Kaboul. Il leur avait reproché ouvertement d'avoir organisé des fraudes massives lors des dernières élections, lavant dans la foulée l'honneur souillé de ses frères afghans. Le Quai d'Orsay avait réagi en premier, jugeant les déclarations de Hamid Karzaï sans fondement. Suivra la réaction de l'Américain Peter Galbraith, numéro 2 de la mission de l'Onu en Afghanistan, qui s'était interrogé sur l'état mental du président afghan. Karzaï serait-il devenu «fou» après que ses mentors ont sollicité la candidature de d'autres grandes figures de la politique afghane dont son rival direct, Abdullah Abdullah ? Il aurait eu un petit sentiment d'abandon de la part des Etats-Unis qui ne pouvaient faire autrement, à défaut d'une présidentielle démocratique avec un unique candidat. Finalement, tout était rentré dans l'ordre, du moins on le suppose. Hamid Karzaï avait même répété à Hillary Clinton combien il appréciait les contributions et les sacrifices de la communauté internationale. Ce, malgré son antipathie à l'égard des pressions exercées par l'administration Etats-Unis au sujet de la lutte contre la corruption. On ne changerait pas un pays gangréné par ce fléau du jour au lendemain. Le «roi» et ses faiseurs vont-ils revivre leur belle lune lumière d'avant la présidentielle, au bout de laquelle Karzaï a perdu une grande partie de sa légitimité ? Pour ne pas dire toute sa légitimité ? Recoller les morceaux est une manœuvre délicate. Surtout que le roi flingueur a récidivé samedi dernier, en critiquant vertement l'occupation occidentale de son pays. Les pays tiers se mêleraient plus qu'il en faut dans les affaires locales de l'Afghanistan. De la pure ingérence qui ne semble plus être à son goût alors que le Pentagone vient de décider d'accroître activement sa surveillance aérienne en prévision de ce qui s'annonce être un été décisif sur le front de guerre anti talibans. Les remarques de Karzaï sont-elles si désobligeantes à l'adresse de l'Amérique d'Obama qui accumule les frustrations en provenance du palais présidentiel ? Les interventions médiatiques en provenance de Kaboul sont jugées troublantes par le personnel de la White House. A moins, bien sûr, que leur allié ait décidé de prendre ses devants et se projeter dans l'après-départ des forces étrangères. D'autant que son projet de réconciliation d'avec les talibans nécessiterait leur entière adhésion. Sauf que celle-ci ne se ferait pas avant un désengagement total de la coalition internationale. Les traits mêmes d'un roi flingueur qui soutient la guerre et rêve à se maintenir au pouvoir en temps de paix. Quitte ou double, au final.