Favorables à la journée sans achat initiée hier, les consommateurs ont estimé que l'initiative est «louable» mais qu'elle a été mal médiatisée. Les commerçants, plus informés par le biais de la presse, appellent plutôt à une journée sans vente à Alger. Hier matin, les algériens vaguaient pour se rendre comme à l'accoutumée aux lieux de leurs approvisionnements en produits de large consommation. Au marché Clauzel, à Alger-Centre, les consommateurs s'arrêtaient devant plusieurs tables de légumes mais n'achetaient que peu de produits en petites quantités. Aux abords du marché Clauzel, deux dames retraités de l'Education nationale, au courant de cette journée par le biais du «bouche à oreille», ont estimé que «malheureusement, cette journée a été mal médiatisée, la télévision et la radio auraient pu passer l'information, ainsi nous aurions adhéré en masse car nous n'arrivons pas à comprendre cette inflation galopante», citant le cas de la tomate produite en Algérie à 100 DA et l'oignon sec à 120 DA le kilo. Cependant, l'une d'elles a fait savoir qu'elle s'est contentée d'acheter de la viande. Un autre retraité, chargé de sacs de légumes, rencontré plus loin, a déploré ne pas avoir eu écho de cette journée car, dira-t-il, «je ne serais pas sorti m'approvisionner aujourd'hui car je n'arrive pas à comprendre la cherté de la vie». Il a ajouté qu'«une journée comme celle-là devrait être médiatisée par la télévision nationale». Au même marché, les commerçants ont suggéré une «journée sans vente». Ces marchands de légumes ont souligné qu'ils ne s'approvisionnent en certains légumes car ils n'arrivent pas à les écouler car avec «les salaires minables que touchent les algériens, l'absence de travail et la cherté de la vie, les clients ont changé leurs habitudes ; au lieu d'acheter 3 à 4 kilos, ils achètent 500 grammes seulement car ils ne peuvent se permettre plus». Bien que les avis soient mitigés sur cette journée, les commerçants semblent plus inquiets que les consommateurs sur la suite des évènements puisque de plus en plus, selon eux, il est difficile de faire des bénéfices et certains d'entre eux n'arrivent pas à payer leurs loyers pour la table qu'ils occupent dans ce marché au centre de la capitale. Au marché de la rue de Chartres : le pouvoir d'achat a chuté Plus loin, dans le quartier populaire de la Place des Martyrs, au marché de la rue de Chartres, quelques personnes sillonnent les lieux sans rien acheter. Ils demandaient les prix bien qu'affichés. Des commerçants regroupés faute de clients, tenus au courant de la «journée sans achat» par le biais de la presse, ont également proposé l'idée de la «journée sans vente», en indiquant que la vingtaine de tables de ce marché n'ont pas de clients car l'algérien ne peut plus se permettre de manger à son goût car son pouvoir d'achat est très bas. Les clients habituels et même des familles nombreuses n'achètent plus que de petites quantités car ils n'arrivent plus. Nous travaillons à perte». Ils ajouteront : «Cette situation dure depuis 1999». Ces commerçants ont renoncé à vendre des poivrons car leur prix est exorbitant, entre 150 et 200 DA le kilo. Ils ajoutent qu' «il n' y a pas assez de demande et pas assez d'offre en raison du manque de production». D'autres jeunes vendeurs, dans l'informel, dont l'étal est situé à l'extérieur du marché, étaient bien au courant de cette journée mais ont déploré que les algériens continuent à consommer malgré l'inflation. Pour eux, «les origines de cette inflation sont l'absence de travail, l'absence de productivité et les importations à outrance par des cercles occultes». Deux mères de famille, fonctionnaires, l'une résidente à Bab El Oued (3 enfants) et l'autre à Baïnem (6 enfants), également chargées de sachets, n'ont pas entendu parlé de cette «journée sans achat». Elles ont proposé des «PAS» (prospectus, ndlr) pour informer la population. L'une d'elles citera Ibn Badis : «Quand le prix de la chose augmente, il faut la boycotter pour le réduire». Dans certains quartiers résidentiels comme Télémly, Hydra et Dély Ibrahim pour ne citer que ceux-là, les consommateurs ne se sentaient guère concernés par la journée sans achat ou par l'inflation. Ils ont gardé leurs habitudes en matière de consommation tant de produits de première nécessité que des produits de luxe. Enfin, lors de cette tournée, les interrogés ont tous dénoncé l'absence des associations de protection des consommateurs et n'avaient aucune information sur leur existence.