Pour la première fois depuis 24 ans et après la fin d'une guerre civile entre le Nord musulman et le Sud chrétien et animiste, les Soudanais sont appelés à élire à la fois leur président, leurs députés et leurs édiles locaux. Malgré les appels au report de l'opposition et la situation confuse au Darfour, quelque 16 millions d'électeurs soudanais sont appelés aux urnes pour des élections générales. Ces élections devront départager 14 000 candidats, tous scrutins confondus, de l'élection présidentielle aux locales et régionales en passant par les législatives. Ce vote est censé donner le signal du véritable départ de la démocratisation du pays, avec un gouvernement démocratiquement élu chargé de préparer un référendum d'autodétermination qui, l'année prochaine, devrait permettre au Sud de décider s'il fait sécession ou non. Le vote est cependant perturbé par le retrait, total ou partiel, des deux principaux partis politiques d'opposition. Ces derniers jugent que le processus n'est pas crédible et qu'il est surtout impensable d'organiser un vote au Darfour, région de l'ouest du pays toujours sous état d'urgence. L'opposition dénonce aussi le fait que la commission électorale soit soumise au régime en place, l'utilisation des ressources publiques pour la campagne du parti au pouvoir, la mainmise sur les médias ou encore la division par deux du nombre de bureaux de vote – qui ne sont plus que 10 000 – rendant quasi impossible pour les habitants des zones les plus isolées d'accomplir leur devoir électoral. Le Mouvement de libération des peuples du Soudan (SPLM) a retiré la candidature de Yassir Arman, considéré comme l'adversaire le plus sérieux d'El Béchir. L'Umma boycotte également le scrutin, ayant retiré l'autre rival crédible du président El Béchir, l'ancien Premier ministre Sadek El Mahdi. Le gouvernement a refusé de reporter le scrutin, supervisé par plus de 800 observateurs internationaux dont ceux de la fondation de l'ancien président américain Jimmy Carter. Les experts s'inquiètent de voir l'élection sombrer dans la confusion, car ce scrutin soudanais est particulièrement complexe : au Nord, les électeurs doivent exprimer huit votes, ceux du Sud une douzaine. Un centre d'appel a été mis sur pied pour aider les électeurs perdus à s'y retrouver, car pour beaucoup de Soudanais, le fait même de voter est une nouveauté. Pour l'anecdote, le président du Sud-Soudan Salva Kiir, arrivé à l'heure du début des opérations de vote, a dû attendre une heure sous un arbre pour mettre ses bulletins dans l'urne. Plus cocasse, il a glissé ses bulletins dans la mauvaise urne. «Je n'ai jamais voté de ma vie», s'est-il excusé.