Il y avait foule hier à l'aéroport international Houari Boumediene, les passagers ne savaient plus à quel saint se vouer. Ils s'impatientaient. Les compagnies aériennes peinaient à contenir cette colère qui s'accentuait au fil du temps. «Tous veulent partir et tous les passagers ont des rendez-vous importants à ne pas rater. Mais que faire ? Le ciel européen est fermé», a indiqué Jean-François Fauveau, directeur régional Algérie de la compagnie Aigle Azur. Le guichet de ladite compagnie a été pris d'assaut dès les premières heures de la matinée d'hier, puisque la grande majorité des passagers a passé la nuit sur les bancs du hall de l'aéroport. Farid devait être sur le lieu de son travail à Paris, mais vu la situation qui empire davantage, ce jeune ingénieur se chamaille avec le guichetier pour une place sur Toulouse. «C'est le dernier vol à destination de la France aujourd'hui. Donc, si je ne pars pas, je perds mon poste d'emploi, c'est ce que le préposé au guichet ne veut pas comprendre», a-t-il confié. Un autre cas encore plus grave, celui de Aldjia, cette vieille femme de 75 ans qui ne doit en aucun rater son rendez-vous médical, elle souffre d'un problème cardiaque, elle porte un pacemaker (pile pour le cœur). «Elle a un rendez-vous chez son médecin tous les six mois et elle ne doit en aucun cas dépasser la date fixée, sinon elle risque d'avoir des complications», a expliqué sa fille qui l'accompagnait. Le cas de cette vieille femme est d'ailleurs pris en charge par le directeur régional de la compagnie. Du côté d'Air France, la situation est similaire, le chef d'escale est d'ailleurs absent, «il est appelé par la direction générale pour étudier la situation qui devient de plus en plus grave», nous ont indiqué les guichetiers. Le peu de personnes rencontrées devant ce guichet ont avoué qu'elles sont laissées en rade. «Nous nous remettons à Dieu, car il faut être logique et raisonnable, dans pareil cas, nul n'est tenu de rendre des comptes, même si nous voulons être indemnisés pour prendre le bateau. Mais là aussi, c'est un autre problème auquel nous devrions faire face», a avoué Nasser. Les services de sécurité au niveau de l'aéroport Houari Boumediene sont sur le qui-vive, la sécurité est renforcée, d'autres agents et officiers sont appelés en renfort. «La situation peut virer à l'émeute d'un moment à l'autre. Les passagers sont hors d'eux, les compagnies ne proposent pas grand-chose pour contenir la colère des voyageurs, nous souhaitons seulement que le nuage disparaisse, sinon…», a déclaré un officier de police. Aucune information Devant le guichet de la compagnie nationale Air Algérie, celle qui doit un peu plus que les autres accorder de l'attention et du respect à ses passagers se tait. Aucune information ne filtre de derrière ce comptoir jonché de monde. «Jamais de ma vie j'ai vu une telle humiliation, les agents de sécurité d'Air Algérie nous poussent comme si nous étions de vulgaires sangliers, c'est aberrant.» Nous avons tenté à notre tour de savoir plus sur le dispositif mis en place par la compagnie dite «nationale», en vain. Nous avons demandé à rencontrer le chef d'escale pour plus d'informations, mais sans succès. L'agent de sécurité a murmuré : «Il est en réunion.» Deux heures plus tard, alors que tous les responsables des autres compagnies, même les cadres d'ailleurs, sont là, le chef d'escale d'Air Algérie est toujours absent. Les passagers en perte de patience décident de réagir en occupant le siège de la boutique de la compagnie. «Nous ne bougerons pas d'ici jusqu'au règlement définitif de notre situation, qu'on nous rembourse notre argent, on ne demande rien d'autre», a scandé Fatma Zohra suite à quoi d'autres passagers commencent à crier en fustigeant les responsables de la compagnie. Une chose est sûre, c'est que les aéroports de l'Hexagone sont tous fermés, les compagnies aériennes sentent déjà le danger des suppressions de postes d'emploi et les passagers n'ont que l'attente comme recours. C'est ce qu'a tenu à dire Nadjib, guichetier d'une compagnie aérienne. «Il y aura des employés qui se retrouveront dehors, les pertes sont énormes», a-t-il ajouté. A l'heure où nous mettons sous presse, d'autres destinations en partance d'Alger sont annulées, à l'image de Barcelone et de Rome situées pourtant au sud de l'Europe. La situation est grave et si le nuage continue sa «descente», notre pays sera touché.