Ahmed Boukhari, le représentant du Front Polisario à New York, avait de bonnes raisons d'exprimer sa déception à la lecture du rapport adressé, voilà deux semaines, par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, au Conseil de sécurité de l'ONU, en prévision du débat en cours sur le renouvellement du mandat de la Minurso. Pas un mot sur la protection des droits de l'homme au Sahara, qui aurait pourtant dû être. Le Front Polisario, les organisations humanitaires et bon nombre de parlementaires européens et américains s'attendaient légitimement à voir Ban Ki-moon accorder la priorité à cette préoccupation. Ce ne fut pas le cas. Une telle omission avait, en revanche, donné le sentiment au gouvernement marocain que les Nations unies, sous le poids de l'influence de la France et de l'Espagne, reconsidéraient leur position traditionnelle sur le Sahara occidental. Erreur ! Mohamed Abdelaziz s'explique avec le SG de l'ONU Certes, à son tour, Mohamed Abdelaziz, le président de la RASD, avait dû protester une première fois par lettre auprès du SG de l'ONU pour n'avoir pas recommandé, comme tout le monde s'y attendait, la mise en place d'un mécanisme de surveillance des droits de l'homme, avant de demander une explication face à face avec Ban Ki-moon, à New York. De cette explication dépendait la future relation du Front Polisario avec la Minurso dont le mouvement sahraoui n'en voyait plus l'utilité. Les recommandations de Ban Ki-moon qui seront très certainement prises en considération par les 15 membres du Conseil de sécurité mettaient en péril, la tenue d'un cinquième round des négociations entre les Sahraouis et les Marocains, voulues par le représentant des Nations unies pour le Sahara, Christopher Ross. Toute l'architecture diplomatique mise en place par le diplomate américain depuis sa prise de fonction en janvier 2009 pouvait donc être compromise. Les démarches du leader du Front Polisario ont été fructueuses puisque le secrétaire général de l'ONU a dû exprimer publiquement hier dans un communiqué officiel ses «préoccupations» pour la situation des droits de l'homme au Sahara occidental. Mieux, il était utile qu'il réaffirme le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination de l'adoption par le Conseil de sécurité d'une nouvelle résolution prorogeant pour une année encore le mandat de la Minurso, prévue à la fin du mois. Ce rappel apparaîtra-t-il dans le document du CS ? L'obstacle franco-espagnol Aux dernières nouvelles, l'ambassadeur de France aux Nations unies mènerait campagne «contre la montre» pour empêcher un éventuel élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme. Le diplomate français, qui active avec le soutien précieux de son collègue espagnol, soutient qu'il ne faut pas rompre le statu quo actuel pour ne pas gêner les négociations entre les deux parties impliquées dans ce conflit. Un argument accueilli avec dérision par un membre de la Fédération espagnole des associations de soutien à la cause sahraouie (CEAS) : «Si la France n'est pas l'obstacle majeur à la solution au problème de décolonisation du Sahara, où se trouve donc l'obstacle ?» Les partisans de la cause sahraouie, majoritaires en Espagne, pointent du doigt le gouvernement Zapatero. «Le rôle de l'Espagne est plus sournois. Elle n'est pas membre du Conseil de sécurité mais sa voix est écoutée à New York pour avoir été l'ancienne puissance coloniale», soutient un militant actif de CEAS qui ajoute : «Dans les années 90, les pays européens, et occidentaux en général, avaient suivi la France dans la mise en quarantaine de l'Algérie, parce qu'elle fut sa métropole.» Beaucoup de partisans de la cause sahraouie dénoncent l'action diplomatique pro-marocaine de Moratinos, souvent à travers des rassemblements devant le siège du ministère des Affaires étrangères. «Moratinos fait un travail de proximité pour Rabat encore plus efficace que celui de la diplomatie française qui est autrement plus suspecte à travers le monde entier. A Madrid, à Bruxelles, à New York. C'est quelqu'un qui est tout le long de l'année à l'étranger où il n'hésite pas à vendre l'image du Maroc», soutient ce représentant de la société civile espagnole qui affronte cette machine pro-marocaine (la diplomatie espagnole) qui assure de surcroît la présidence semestrielle tournante de l'Union européenne. Mme Rosa Diez, députée socialiste qui a fondé son propre parti pour se démarquer du PSOE au pouvoir, n'a pas hésité, jeudi, à interpeller le SG de l'ONU sur la nécessaire application d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental et son devoir de protéger le peuple sahraoui livré à l'occupation militaire étrangère. Rien cependant ne permet de croire qu'elle sera entendue.