Il était attendu qu'à l'ouverture de la conférence des Etats (189) signataires du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui court jusqu'à fin mai, au siège des Nations unies, le dossier nucléaire iranien soit mis sur le devant de la scène par les Etats-Unis et leurs alliés, pour faire passer des sanctions contre ce pays qu'on soupçonne d'ambitions nucléaires militaires. Or l'Iran a décidé, par la voix du président Mahmoud Ahmadinejad, de prendre les devants en s'attaquant ouvertement à la première puissance nucléaire du monde. Le tonitruant chef de l'Etat iranien a encore une fois monopolisé les regards et les commentaires en osant réclamer des «sanctions contre tous les pays qui menacent de se servir de l'arme atomique». C'est que ce pays qui veut utiliser l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, comme il le répète à satiété, sans être cru, a voulu rendre la monnaie de sa pièce à Barack Obama, qui a, il y a quelques semaines, menacé de recourir à l'arme absolue contre ceux qui cherchent à en avoir, allusion limpide à l'Iran. Il visait également la France, qui a, par le biais de son président Nicolas Sarkozy, fait part de sa détermination à ne pas se passer de l'arme atomique. «Je ne renoncerai pas à l'arme nucléaire, garante de la sécurité de mon pays», a notamment dit Sarkozy, le mois dernier, lors du sommet sur la sécurité nucléaire. Pour Ahmadinejad, «toute menace de se servir d'armes nucléaires ou d'attaquer des installations nucléaires pacifiques comme une atteinte à la paix et à la sécurité internationales». Mieux, il a appelé de ce fait, les Nations unies à «une prompte réaction» à ces menaces et à «l'arrêt de toute coopération» des pays membres du TNP avec les Etats qui profèrent ces menaces. Il a même demandé la suspension les Etats mis en cause du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). L'Iran pointe le doigt vers Israël Comme à l'accoutumée, les propos du chef de l'Etat iranien, qui n'oublie pas de citer «les privilèges» dont jouit Israël auprès des puissances, sont perçus comme une provocation. Et pour le lui signifier, les représentants de pays visés quittent la salle des conférences au moment de son discours. C'est ce qu'ont fait les délégations des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne notamment, lundi à New York. Le porte-parole de la Maison-Blanche a expliqué à ce propos que les délégations qui ont quitté la salle ont réagi à la «série d'accusations extravagantes» formulées au cours du discours du président iranien, quant à la délégation américaine, elle «est sortie au moment où Ahmadinejad accusait Israël de menacer ses voisins de terrorisme et d'invasion et de bénéficier d'un soutien inconditionnel de Washington et de ses alliés». Les Américains donnent l'exemple Il faut signaler que d'autres délégations suivistes ont imité les Américains, à savoir les Allemands, les Italiens, les Tchèques, les Autrichiens, les Néerlandais, les Belges. Selon un diplomate français, «c'est donc un message beaucoup plus collectif, si l'on peut dire, et bien d'autres pays qui ne sont pas de l'Union européenne, de l'Australie au Maroc, sont également sortis». Pourtant, les propos de l'orateur ne sont pas dénués de fondement. Ahmadinejad est le seul qui dit haut ce que la majorité des pays membres de l'ONU pense tout bas. Non seulement Israël dispose de l'arme nucléaire obtenue avec l'aide de la France dans les années 1970, mais fort de cette acquisition, cette entité défie le monde arabe et musulman, viole impunément le droit international dans toutes ses facettes, et qui pis est refuse d'adhérer au TNP. Israël voudrait rester seul dans la région à avoir le droit de défendre sa sécurité, y compris en s'attaquant militairement à des sites dans les pays voisins, comme la Syrie et l'Irak, soupçonnés d'abriter des installations nucléaires. Israël cherche aujourd'hui à bombarder les sites iraniens et sa menace persiste, ne craignant nullement d'embraser la région, et de ce fait mettre en péril et sa propre sécurité et les intérêts des puissances qui le soutiennent. D'autant que l'Iran n'a pas caché ses intentions de réagir en cas d'agression, et pour le prouver, ce pays multiplie les manœuvres militaires qu'il utilise pour tester de nouvelles armes conventionnelles sophistiquées construites par ses propres moyens, en dépit des sanctions que lui infligent les puissances occidentales, pour initialement le maintenir dans l'incapacité de le faire. Du reste, ces puissances préparent une série de sanctions contre l'Iran, en tentant de convaincre la Russie et la Chine, jusque-là réticentes, à se joindre au mouvement. C'est ce que vient de faire savoir la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui, répondant au président Ahmadinejad, a accusé l'Iran d'être «le seul pays» à ne pas respecter ses obligations découlant du TNP. «C'est pourquoi (l'Iran) fait face à un isolement et à des pressions croissantes de la communauté internationale», a-t-elle argué. Clinton n'a pas tenu compte des qualificatifs formulés par le chef de l'Etat iranien, selon qui les armes nucléaires sont «révoltantes et honteuses» et continue de soupçonner son pays de vouloir s'en procurer. L'Iran ne craint pas les sanctions Cela dit, l'Iran a fait savoir qu'il n'avait pas peur de nouvelles sanctions. Pour preuve, au moment où celles-ci sont sur le point d'être finalisées à l'ONU, les autorités militaires iraniennes annonçaient de nouvelles manœuvres militaires dans les eaux du golfe Persique et la mer d'Oman. Ces exercices militaires entamés mercredi, pour huit jours, sont les seconds en moins d'un mois que l'Iran effectue en réponse aux menaces extérieures. «Les manœuvres baptisées Velayat-89 démontreront le pouvoir maritime offensif et défensif de l'Iran», a ainsi expliqué le commandant de la marine iranienne, l'amiral Habibollah Sayyari, faisant savoir que «des sous-marins et des unités de l'armée de l'air devraient y participer». Mieux encore, l'Iran vient de reconnaître publiquement qu'«un avion F27 de la marine a survolé le porte-avion et l'a filmé» et «malgré les protestations du commandant du porte-avion, nous avons répondu que nous avions le droit de le faire», a dit l'amiral Sayyari, cité par l'agence de presse Fars. «Les navires américains circulent dans les eaux internationales, et la marine iranienne, conformément à sa mission, a le droit d'identifier les bateaux circulant dans la zone», a-t-il argué. Les Etats-Unis n'osent pas s'attaquer à l'Iran, de crainte de mettre en péril l'approvisionnement en pétrole qui transite par le détroit d'Ormuz, mais aussi la sécurité des centaines de milliers de soldats américains et alliés stationnés en Irak. De plus, la plupart des pays occidentaux qui font pression sur l'Iran sur son dossier nucléaire, en initiant des sanctions internationales contre ce pays, ont des entreprises, notamment pétrolières et gazières, qui travaillent dans ce pays. Si réellement ces puissances, notamment la France et l'Allemagne qui font partie du groupe de négociateurs avec l'Iran sur son dossier nucléaire, étaient sincères, elles n'auraient qu'à retirer leurs firmes pétrolières de ce pays. Il est clair que personne ne voudrait par les temps qui courent s'attaquer à l'Iran, qui le sait et par conséquent ne prend pas au sérieux les menaces d'où qu'elles viennent. La preuve, même du temps du va-t-en-guerre George W. Bush et des faucons qui l'entouraient à la Maison-Blanche, cette éventualité maintes fois brandie a été écartée.