Un après-midi «tranquille», c'est-à-dire plat, comme les autres. Les habitants de la cité ont presque oublié que ce n'est plus un jour de week-end, mais ce n'est pas important, puisque rien de vraiment significatif n'a changé pour eux. En dehors de ceux qui travaillent, et ce n'est plus évident qu'ils soient majoritaires, beaucoup de monde sommeille dans les chaumières. La météo qui n'en finit pas d'annoncer un retour aux «températures de saison» avait encore une fois oublié que le soleil ne fait pas le beau temps tout seul. Et ce petit vent froid semblait prendre ses aises, prolongeant la désillusion. Dans la cité, personne ne sait vraiment pourquoi il devrait faire beau, donc un peu chaud quand même, mais on fulmine contre ce retard que personne, la météo comprise, n'explique. Derrière les persiennes se devine la résignation. A quoi ? Ici on n'a pas l'habitude de se poser ce genre de questions. On n'a pas programmé de week-end à la campagne, pas pensé à une escalade en montagne, pas rêvé d'une sortie en bateau, pas envisagé un pique-nique sur l'herbe, mais on aurait aimé que les températures de saison soient là. Juste comme ça, histoire de s'inventer une raison de fulminer. Et faire semblant qu'il y a un cas de force majeure qui nous assigne à résidence. Derrière les persiennes se devinent les chuchotements de répliques. Celles des feuilletons télévisées de dernière zone et celles de la vie réelle échangées nonchalamment pour cause d'ennui chronique et de mauvais temps teigneux. Derrière les stores timidement à moitié tirés se devine un match de foot sans passion qu'on regarde de la même façon qu'on attend le beau temps : dans le meilleur des cas par paresse, dans le pire par dépit. Sur la table des restes de loubia, un café interminable et un cendrier débordant. On ne se parle pas, on ne se regarde pas, on regrette seulement le soleil en ressassant ça jusqu'à la nausée, en prenant soin de ne s'adresser à personne. Il faut aller au balcon pour s'assurer que le petit vent froid souffle toujours, ce serait embêtant qu'il s'arrête parce qu'il faudra bien faire quelque chose si les températures de saison étaient là. A moins de trouver autre chose pour l'assignation à résidence. Oui, se rappeler par exemple que le jeudi n'est plus un jour de repos depuis la promulgation du week-end semi-universel. Mais il y mieux : la journée tire à sa fin et il est déjà trop tard pour sortir. Ou pour mentir. Le lendemain ça pouvait être pire. Et s'il faisait beau pour de vrai, ce jour de vrai week- end de l'ancien et du nouveau système ? Il faudra y penser. La nuit porte conseil, surtout sommeil. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir