La présidence espagnole de l´Union européenne a peut-être vu grand, trop grand même, en se proposant de faire asseoir à la même table, le 7 juin prochain, les dirigeants arabes et Israël au Sommet des 43 pays de l´Union pour la Méditerranée (UpM). L´Espagne voulait, quelque part, et cela peut se comprendre, rééditer l´exploit diplomatique de la première Conférence internationale de Madrid qui avait ouvert la voie, en 1992, au processus de paix au Proche-Orient et rendu possible l´objectif d´un Etat palestinien à la faveur des Accords d´Oslo dont Abou Mazen est l´un des artisans. Or, les données du conflit israélo-arabe sont-elles aujourd´hui les mêmes qu´il y a deux décennies ? La situation dans la région s´est particulièrement dégradée parce qu´Israël n´a jamais renoncé à sa politique de colonisation des terres arabes en Cisjordanie et à l´est d'Al Qods, ce qui rend impossible, dans ces conditions, la reprise du processus de dialogue israélo-palestinien. L´actuel Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, n´a pris aucun engagement sur le gel des colonies juives, ni durant sa campagne électorale, en 2008, ni à deux ou trois occasions en face de Barack Obama et encore moins Avigdor Lieberman. L´infréquentable Lieberman Le ministre des Affaires étrangères a d´ailleurs fait mieux, en avril dernier, à Madrid où il avait été reçu avec tous les égards. Pas un mot dans sa bouche aux questions de ses interlocuteurs sur le bannissement des Palestiniens de Cisjordanie et pas la moindre allusion au gel des colonies juives réclamé par son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos au nom des «27». En résumé, pas de conférence de presse pour ne pas avoir à répondre à la presse qui l´attendait de pied ferme sur ces questions. Moratinos, l´éternel optimiste Moratinos, c´est du domaine public, a de très mauvaises relations avec Lieberman qu´il rencontrait pour la quatrième fois depuis 2008. Son optimisme à toute épreuve lui a-t-il joué un tour ? Son erreur fut probablement, d´avoir adressé trop hâtivement une invitation à ce sommet à ce ressortissant russe qui a appelé au bombardement du barrage d´Assouan et au retrait de la citoyenneté aux aborigènes de la Palestine historique. Le plus infréquentable des membres du gouvernement Netanyahou, même parmi les dirigeants arabes qui, comme Mubarak, entretiennent des contacts suivis avec Israël, s´est empressé de saisir au vol cette invitation au Sommet de Barcelone. La question devenait dès lors la suivante : un sommet de l´UpM pour quoi faire ? C´est pourtant pour le succès de ce rendez-vous que le gouvernement espagnol a mis en branle sa machine diplomatique, depuis le début de sa présidence européenne, en janvier dernier. Le chef de la diplomatie espagnol a dû effectuer un premier déplacement au début de ce mois en Israël, dans les Territoires palestiniens, en Syrie puis au Liban, et assister au dernier Sommet arabe de Syrte, pour appeler les dirigeants arabes à ne pas boycotter Barcelone. Voilà encore une semaine, il soutenait devant les journalistes qu´il y avait «95%» des chances pour que le Sommet de l´UpM se tienne à la date fixée. C´est-à-dire sous la présidence espagnole de l´Union européenne qui doit s´achever le 30 juin prochain. Quelques jours plus tard, un communiqué du ministère espagnol des Affaires étrangères annonçait le «report» de ce rendez-vous pour la mi-novembre. Toujours à Barcelone, mais sous la présidence tournante belge. Report ou ajournement du sommet Tout le monde sait que la formule choisie, le report, vaut ajournement pur et simple. Rien ne garantit, en effet, que le processus en cours de dialogue indirect entre les Palestiniens et les Israéliens ouvre la voie à un accord sur la création du futur Etat palestinien. Moratinos ne désespère toujours pas de pouvoir réunir Netanyahou et Mahmoud Abbas, en automne à Barcelone, aux côtés des présidents Zapatero, Sarkozy et Mubarak. C´est à cette fin qu´il vient d´entreprendre, vendredi dernier, un second périple dans la région, avec comme première escale Istanbul où la conférence sur la Somalie lui offre une très bonne occasion de remettre Barcelone à l´ordre du jour. Il verra ensuite Mubarak puis le roi Abdallah de Jordanie. L´enjeu n´est pas toujours le succès du Sommet de l´UpM. L´Espagne sait parfaitement que cette nouvelle institution inventée par Sarkozy pour fermer les portes de l´Union européenne au nez de la Turquie (pays musulman) n´a pas d´autre ambition que de lancer des projets d´environnement, de tourisme, de ressources en eau, d´autoroute maritime et un plan solaire méditerranée. Des tâches techniques importantes certes pour la Méditerranée, mais qui n´ont rien à voir avec la création d´un véritable espace où, comme c´est dans l´esprit du processus de Barcelone lancé en 1995, la prospérité des deux rives de la Méditerranée doit s´accompagner d´un processus de paix et de sécurité. Le «fiasco» de la présidence tournante de l´UE La présidence espagnole de l´Union européenne aurait été un «fiasco», selon le quotidien de droite La Razón qui fait observer, dans son édito de vendredi, que les sommets – enjeux qui étaient au programme de la présidence espagnole de l´UE ont « échoué» ou n´auront pas lieu. Le Sommet Union européenne-Etats-Unis n´aura pas lieu comme prévu en mai à Madrid, à la demande du président Obama. Dans ce cas comme dans celui de l´UpM, il s´agit «officiellement» de report. Avec le Maroc, le 7 mars à Grenade, les «27» ont constaté que leur partenaire le plus privilégié violait sans états d´âme les droits de l´homme au Sahara occidental et faisait la chasse aux chrétiens. La France veille. Avec l´Amérique latine, les Européens ont signé quelques accords de libre-échange, mais là s´arrête le «succès historique» de ce sommet. Un bilan bien maigre d´une présidence européenne encore sous la déception du revers diplomatique ressenti par l´ajournement du Sommet de l´UPM de Barcelone. Quelque part, la diplomatie espagnole voulait ce rendez-vous pour redorer son blason. La première erreur des «27» est de n´avoir pas les moyens de leur ambition de jouer les premiers rôles dans une région où l´influence des Etats-Unis a affiché ses limites en raison du poids du lobby juif américain qui encourage la politique de colonisation suivie par Netanyahou et Avigdor Lieberman.