Ce n'est pas tous les jours que le leader libyen reçoit des délégations marocaines cette aussi pléthorique et «diversifiée» que celle qu'il a accueillie dimanche passé à Tripoli. Composée d'«acteurs politiques, parlementaires, syndicaux, médiatiques et de la jeunesse, ainsi que de sensibilités féminines», la délégation marocaine a effectué une visite de deux jours entamée la veille en Libye. Il fallait que ce soit vraiment «sérieux» pour que le Palais décide d'envoyer autant de monde dans un pays à qui on n'a jamais vraiment fait confiance et chez un président qu'on a rarement pris au sérieux. Et même si Rabat l'a souvent mis en avant, ce n'est pas seulement en raison de la fantasque exubérance de Mouammar Kadhafi que les dirigeants marocains ne l'ont jamais vraiment apprécié. En dépit de sa position pas toujours lisible sur la question du Sahara Occidental, la Libye a eu ses moments de constance vis-à-vis du Front Polisario, notamment dans l'aide humanitaire et le confort de sa présence au sein de l'Union africaine que le Maroc a d'ailleurs quittée pour avoir admis la RASD comme membre à part entière. Et quand il y a deux ans Kadhafi, alors président en exercice de l'Union africaine, a «humilié», selon la presse marocaine, le Royaume, on pensait la boucle bouclée entre les deux pays. En programmant un sommet en présence de Mohamed Abdelaziz au même moment où séjournait une délégation marocaine «de haut niveau» comptant même un détachement militaire qui se préparait à participer aux festivités du quarantième anniversaire de la révolution, Kadhafi a plus qu'irrité le Royaume, et les traditionnels «relais d'opinion» marocains avaient même appelé à une réaction à la hauteur de l'affront. Mais le palais royal à qui on ne connaît pas beaucoup d'états d'âme sait laver autrement les affronts. C'était donc «sérieux» de déplacer une délégation aussi pléthorique que diversifiée à Tripoli. Faire dire à Kadhafi «le rôle historique joué par le royaume marocain dans le triomphe et le soutien de la révolution…algérienne» et que ce rôle «ne doit pas être occulté» vaut bien le déplacement. Et ce n'est pas seulement pour ce cours d'histoire que Kadhafi a reçu en grande pompe la délégation marocaine, le meilleur est à venir. C'est-à-dire l'essentiel : «Le Guide de la Révolution libyenne a, dans ce cadre, exprimé son regret du différend existant entre l'Algérie et le Maroc, ainsi que de la fermeture des frontières entre les deux pays frères» ! Et tout de go, la délégation a «appelé le colonel Kadhafi à contribuer à l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie, précisant les préjudices sociaux et économiques que cause la fermeture de ces frontières pour les peuples des deux pays, ainsi que les entraves à la liberté et à la fluidité de la circulation des personnes et des marchandises entre les pays maghrébins». C'était donc vraiment sérieux, pour que Rabat se rabatte – sans jeu de mots – sur Kadhafi pour rouvrir les frontières avec… l'Algérie. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir