Le leader vieillissant de la Jamahirya a en outre appelé à la réouverture des frontières terrestres entre l'Algérie et le Maroc fermées depuis 1994. La réouverture des frontières est devenue «une revendication populaire et une nécessité stratégique», plaide El Gueddafi qui a mis l'accent sur «le rôle historique joué par le Maroc dans le soutien à la Révolution algérienne» entre 1954 et 1962, a rapporté la presse marocaine. Que vaut cette nouvelle sortie médiatique du fantasque colonel libyen? Lorgne-t-il du côté du Sahara algérien pour remettre en cause le tracé de frontières internationalement reconnues? Un rêve constamment caressé par le Royaume alaouite. Les intérêts du trône marocain et de la Jamahirya sont-ils en train de converger? La question est posée. Vouloir cependant réinventer les origines du Mouvement de libération national et réviser l'histoire du déclenchement de la Révolution algérienne demeure un pas qu'il ne devrait pas franchir. L'amalgame, qui est fait avec la question de la fermeture des frontières entre le Maroc et l'Algérie, est intolérable. Les peuples des deux pays entretiennent des relations millénaires historiquement prouvées. Le peuple algérien a fait face à la spoliation de ses terres, aux enfumades, aux bombardements au napalm, à la torture...Les causes de ce «malentendu» sont donc à chercher ailleurs. Rabat avait accusé les services secrets algériens d'être derrière les attentats, commis en 1994 à Marrakech et qui ont fait deux morts parmi des touristes étrangers. Il est toutefois, utile de relever que les déclarations du colonel libyen surviennent près de deux mois après celles du chef de la diplomatie française qui, lui aussi, avait critiqué la fermeture des frontières terrestres algéro-marocaines. Difficile en tous les cas de ne pas en faire le rapprochement. «La frontière entre l'Algérie et le Maroc est l'une des plus hermétiques au monde», a déclaré Bernard Kouchner lors de son audition par des élus français de la commission des affaires étrangères au mois d'avril 2010. En mal de crédibilité et accusant un déficit notoire en matière de reconnaissance par la communauté internationale, Mouamar El Gueddafi a trouvé dans le conflit du Sahara occidental et la question de l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie, deux sujets pour rebondir sur la scène médiatique et occuper un rôle de premier plan au niveau régional. Redorer son blason terni par des affaires de terrorisme international (l'affaire Lockerbie...) et par les frasques d'un de ses héritiers, Hannibal, sur le territoire helvétique. Une histoire qui a porté préjudice à son image écornée depuis belle lurette et sur laquelle il a su pourtant surfer pour humilier la Suisse en prenant en otage deux de ses ressortissants. Comme il a joué sur la fibre religieuse, en haranguant la communauté musulmane après le vote suisse qui s'est soldé par l'interdiction de construction de minarets. «Boycottez la Suisse: boycottez ses marchandises, ses avions, ses navires, ses ambassades, boycottez cette race mécréante, apostate, qui agresse les maisons d'Allah», avait déclaré le bouillant leader de la Révolution libyenne, la veille du Mawlid Ennabaoui qui correspond à la commémoration de la naissance du Prophète Mohammed (Qsssl). Ce n'est toutefois pas la première fois que le chef de l'Etat libyen veut se poser en médiateur dans des différends qui opposent l'Algérie à un pays tiers. Au moment le plus fort de la crise entre Le Caire et Alger, qui a pris naissance suite à l'élimination des Pharaons en Coupe du Monde, battus par l'EN 1-0 au Soudan, «Le Guide de la Révolution, président de l'Union africaine (UA), va travailler pour combler le fossé qui s'est creusé entre l'Egypte et l'Algérie à la suite de la récente rencontre de football entre les sélections des deux pays», a rapporté le 24 novembre 2009 l'agence de presse officielle libyenne Jana. En ce qui concerne le Sahara occidental, El Gueddafi a longtemps joué avec les nerfs de Mohammed VI avant de se rallier à la position marocaine. En effet, la délégation marocaine, qui devait représenter le souverain alaouite aux festivités devant commémorer le 1er septembre 2009, le 40e anniversaire de la Révolution libyenne, emmenée par son Premier ministre Abbas El Fassi, avait quitté précipitamment la capitale libyenne lorsqu'elle s'est rendu compte de la présence de la délégation de la République sahraouie sur les lieux de la manifestation. Le contingent des FAR, les Forces armées royales, qui devait prendre part à la parade militaire prévue à cette occasion a dû, lui aussi, dans la précipitation, plier bagage. Cette invitation de leur ennemi juré a été qualifiée de «geste inamical» par les Marocains. «Le Royaume du Maroc demande aux autorités libyennes les explications nécessaires et appropriées face à ce geste inamical à l'égard des sentiments du peuple marocain», avait exigé dans un communiqué le Premier ministre marocain. Son voeu fut exaucé, provisoirement probablement, dans une déclaration au journal Acharq Al Awsat, du mois d'octobre 2009, dans son édition de Casablanca, Al Baghdadi Ali-Al Mahmoudi, secrétaire du comité populaire libyen, a indiqué que la Jamahiriya arabe libyenne soutenait la marocanité du Sahara: «Notre position est claire et sans ambages. Nous sommes avec l'unité territoriale du Royaume du Maroc», a-t-il précisé. Une position qui est constante depuis quelques mois maintenant. «La Libye soutient l'intégrité territoriale du Maroc aussi bien concernant la question du Sahara que pour ce qui est des présides occupés de Sebta et Melilla et des îles Jaâfarines», a déclaré, dimanche à Tripoli, Mohamed Abou Al Kacem Zaoui, le secrétaire du congrès général du peuple libyen, a rapporté l'agence de presse officielle marocaine MAP, le 31 mai 2010. Le peuple sahraoui le retiendra juste pour...l'Histoire.