4987 personnes ont formulé des demandes de réparation morale et matérielle à la justice en 7 ans, c'est ce que nous à révélé Smair Mohamed, magistrat de son état et président de la commission d'indemnisation à la Cour suprême. Cependant, il indique que sur ce nombre de demandeurs enregistrés depuis la création de la commission, seuls 1794 ont été jugés recevables dans la forme. D'emblée, le président devait préciser que la commission a la compétence de traiter les cas de détention préventive, voire provisoire, et ceux relatifs aux erreurs judiciaires, affirmant qu'«aucun cas d'erreur judiciaire n'a été étudié jusqu'à aujourd'hui». Il y a lieu de savoir que la commission de réparation et d'indemnisation des préjudices (ayant caractère de juridiction civile) a été créée suivant la loi 08-01 du 26 juin 2001 mais n'a entamé réellement sa mission que durant l'année 2003. Bien que fraîchement installée au niveau de la Cour suprême, la commission, composée du président, de deux magistrats et de deux assesseurs, tous désignés par le président de la Cour suprême, ont étudié 182 cas de personnes ayant introduit des procédures de dédommagement. M. Smair nous a indiqué que, depuis cette année, «les demandes ont afflué et près de 63% ont fait l'objet de fin de non-recevoir par la commission qui a jugé que ces derniers comportaient des irrégularités sur la forme». Révélant les statistiques relatives aux traitements accordés aux demandes en question, il affirme que «la commission n'a été vraiment opérationnelle qu'à partir de 2007, année durant laquelle 826 demandes ont étés introduites, dont 188 ont étés satisfaites». Les 630 restantes ont été jugées irrecevables, soit «pour non-respect des délais impartis (article 137 bis du code de procédure pénale arrêtant le délai de 6 mois suite à la date du jugement définitif prouvant le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement) ou tout simplement parce que les arrêts introduits étaient datés d'avant la promulgation de la loi qui donne les prérogatives à la commission et dont le décret d'application désigne et définit les règles de l'indemnisation». Qui ouvre droit aux indemnisations ? Sur ce chapitre, M. Smair révèle «l'impossibilité de la commission d'indemniser des cas de détention illégitime dont les dates précédent la date du décret promulgué». A cet effet et pour faire la lumière sur cette disposition, le président de la commission évoque «le principe fondamental et universel de la non-rétroactivité des lois promulguées», affirmant en ce sens que «les textes approuvés et mis en application suivant des décrets officiels ne concernent que les délits futurs». Ce qui, par conséquent, conduit à la déduction que tous les cas d'incarcération préventive, voire des cas d'injustices commises avant la date de la mise en place de la commission sont renvoyés aux calendes grecques. Autrement dit, les centaines ou les milliers de personnes ayant étés incarcérées suite à leur implication dans quelque affaire que ce soit, et plus spécialement durant les années noires (affaires de terrorisme), où la confusion régnait en maîtresse, sont relégués au rang de laissés-pour-compte, et ce, bien que détenteurs de jugement d'acquittement ou de non-lieu. Pour revenir aux statistiques inhérentes à la mission de la commission, M. Smair révéla qu'«en 2008, 2354 demandes ont été enregistrées et dont 1335 ont été indemnisées suivant des critères bien définis, tandis qu'en 2009, 821 cas ont été recensés dont 166 seulement ont bénéficié d'indemnisation». Il est à souligner que le nombre de demandes introduites depuis la création de la commission a épousé un courbe descendante. Comparativement à 2008 (2354 demandes introduite) et 2009 (821 cas), en 2010, 784 demandes d'indemnisation ont été formulées par des justiciables. Au terme de l'étude de celles-ci par les magistrats, seuls 105 ont recouvré leurs droits à l'indemnisation. Erreurs judiciaires et détention préventive Comme l'affirme M. Smair, «la commission a compétence à traiter des cas de détention préventive avérés et la réparation des erreurs judiciaires». Mais comment différencier les cas de détention préventive et ceux d'erreur judiciaire ? A ce sujet, le magistrat, tout en soulignant «l'absence de cas d'erreurs judiciaires traités par la commission», explique que «l'erreur est tributaire d'une reconnaissance par la Cour suprême suite à l'établissement de l'innocence (nouvel élément venant s'ajouter au dossier judiciaire et qui prouve l'innocence) de la personne bien après sa condamnation définitive». A juste titre, il affirme que «normalement, nul ne peut être emprisonné sans que sa culpabilité ne soit avérée». Faisant preuve d'une très grande équité, ce dernier dira que «la détention provisoire est en contradiction avec le principe relatif à la présomption d'innocence dont jouit tout justiciable». Comme l'ont souligné des avocats, magistrats et autres juristes, «la législation algérienne ne détient aucun outil ou instrument permettant d'identifier, d'évaluer et d'indemniser les préjudices moraux subis par les personnes incarcérées à tort et qui continueront à être désignées du doigt par la société». Qui paye les indemnités ? C'est une question qui taraudait les esprits de bon nombre de magistrats, de juristes et de justiciables. A ce sujet et pour mettre fin aux interrogations, l'institution financière dans la loi de finances 2010, via le décret exécutif du 21 avril 2010, vient de donner des prérogatives à la justice et conférant le droit au Trésor public de verser les sommes dues aux justiciable lésés. Sur ce chapitre, il y a lieu de parler de préjudice matériel, et sur ce point, indique le président, «les sommes devant être versées répondent à des critères spécifiques et le justiciable est tenu d'en apporter les preuves justifiant le préjudice subi». Dit autrement, les personnes ayant perdu leur emploi des suites de leur incarcération bénéficieront de revenus équivalents à la durée de leur emprisonnement. Cela dit, le magistrat indique que «certains cas sont laissés à l'appréciation des magistrats, et autant vous dire que parfois des sommes faramineuses sont versées à des personnes ayant le statut de responsable au sein d'entreprises publiques ou privées», ajoutant en ce sens que «la commission qui se réunit une fois par mois n'a pas de barème précis». Il finira par dire que «les réparations matérielles ont un aspect symbolique et donnent lieu à une reconnaissance». Au sujet des tracas rencontrés par les justiciables dans leur quête de réintégration par leurs employeurs après la rupture de la relation de travail, le magistrat explique que «la commission peut assister les justiciables en leur procurant des conseils juridiques et leur expliquer que leurs recours peuvent être pris en charge par la section sociale du tribunal, laquelle peut trancher sur le litige». Subtilement et à demi-mot, le magistrat reconnaîtra l'existence du phénomène de la non-application des décisions de justice de la part de certaines institutions ou entreprises.