«Les boulangers de la wilaya d'Oran ne savent plus sur quel pied danser.» Coincés entre une marge bénéficiaire administrée et une foule de contraintes liées aux approvisionnements, à une concurrence déloyale et aux charges d'activités, nous ne savons plus quoi faire. Il ne nous reste plus qu'à mettre la clé sous le paillasson», dira un boulanger de l'avenue de Canastel, dans le quartier populaire de Gambetta. Il y a environ un mois, la section de wilaya de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), sentant un malaise couver dans les rangs de la corporation, a entamé une série de contacts pour tenter de trouver des ébauches de solutions aux nombreux problèmes que vivent les boulangers- pâtissiers. Ces artisans se trouvent devant un grand nombre de problèmes. «Nous avons des problèmes d'approvisionnement en matières premières. Les prix de certains produits comme les levures et les améliorants ont augmenté, mais notre marge bénéficiaire est restée en l'état. Il faut revoir la structure du prix du pain qui ne nous permet pas, surtout pour certains, de couvrir les charges d'exploitation», affirme un boulanger du marché de la rue de la Bastille qui voit son activité menacée par l'apparition d'une foule de revendeurs qui proposent leurs produits exposés à tous les vents et à toutes les pollutions. «La loi existe, mais qui s'en soucie ?» «Il y a une loi qui interdit la vente de pain sur la voie publique, mais qui s'en soucie ? Les consommateurs, notamment le soir, prennent leur ration de pain au premier carrefour sans se donner la peine de faire un détour chez le boulanger du coin», dira-t-il. Ce dernier, le visage buriné par la chaleur qui émane des fours et à laquelle il a été exposé durant ses quinze ans d'activité, se dit las et déprimé. «Nous faisons du pain à l'ancienne. Nous commençons la préparation très tard la nuit pour livrer les premières fournées aux aurores. Nous commençons notre travail à partir de 1 h du matin pour pétrir la pâte à la main, la laisser reposer, façonner les baguettes, chauffer le four et lancer la cuisson. C'est du temps et des efforts qui partent en fumé dès l'apparition des premiers vendeurs qui occupent les endroits stratégiques du marché», dira-t-il. Pour éviter des pertes sèches, cet artisan qui préparait il y a quelques années jusqu'à dix fournées par jour a réduit sa production. «Que voulez-vous, je ne peux pas revendre mon pain comme aliment de bétail. Ce sont des efforts et de l'argent qui partent en fumée. Depuis deux ans, j'ai réduit mon activité en attendant des jours meilleurs», dira-t-il. Les boulangeries industrielles menacent l'activité Plus critique, il ne manquera pas de souligner que l'activité est menacée par l'apparition de boulangeries industrielles qui livrent leur pain à des centaines de commerçants, détaillants en produits alimentaires, répartis à travers les différentes communes de la wilaya. «Elles ont tué plusieurs petites boulangeries, notamment celles des petites bourgades», dira-t-il. Evoquant la concurrence, il fera remarquer qu'elle devenue aujourd'hui déloyale. «Vous avez vu les nombreux commerces qui proposent le pain libanais ou syrien ? Une pâte soufflée et cuite à l'étuvée dans un four à gaz qui ne consomme que très peu d'énergie. C'est une arnaque car, mis à part quelques graines de sésame, leur pain ne contient aucun améliorant comparé au nôtre. Ils réalisent de bons bénéficies alors que nous sommes transis par les charges». De nombreux boulangers qui militent pour une révision de la marge bénéficiaire ont pris attache avec l'UGCAA pour dénoncer ce qu'ils ont qualifié de véritable hogra. «Vous savez, les coupures intempestives d'électricité nous pénalisent. Plusieurs ont eu leurs équipements détériorés et n'ont pas, à ce jour, été indemnisés par la Sonelgaz qui est pourtant responsable de ces casses. Nous avons préparé les dossiers d'indemnisation mais nous n'avons reçu aucun sou et n'avons bénéficié d'aucune défalcation de nos factures de consommation d'énergie électrique» dira un boulanger d'Essedikkia. Les responsables de l'UGCAA ont adressé il y a quelques jours une correspondance à la Sonelgaz dans laquelle ils soumettent la situation, mais à ce jour, aucune suite favorable n'a été réservée à leur requête. «La loi existe, ils devraient l'appliquer. Ils doivent indemniser ceux qui ont subi des préjudices à cause des coupures intempestives et annoncer à l'avenir par voie de presse et même par colportage dans les petites localités, les futures interruptions de l'alimentation en énergie électrique. Les boulangers vivent une situation qui risque, si des solutions ne sont pas apportées, de compromettre l'avenir de toute la corporation», dira une source de l'UGCAA.