Le 5 juillet 1962, l'Algérie recouvrait officiellement son indépendance après avoir subi, 132 ans durant, les affres de l'occupation coloniale. L'événement survient après une des guerres les plus meurtrières de la seconde moitié du 20e siècle qui fit plus d'un million de victimes parmi la population algérienne. Nulle autre manifestation de liesse n'a pu égaler, durant ces 48 dernières années, la formidable explosion de joie qui a marqué la journée de l'indépendance. Beaucoup ont tenté le parallèle avec les moments d'exultation provoqués par la qualification des Verts au mondial 2010, mais les Algériens, très nombreux, qui ont vécu le 5 juillet 1962, savent qu'il n'y a pas de commune mesure entre les deux événements. En 1962, les Algériens venaient de sortir d'une terrible guerre qui leur aura coûté, plus que les privations et l'humiliation, la perte de centaines de milliers de leurs proches. Durant les sept longues années de guerre, la France n'a lésiné sur aucun moyen pour étouffer la révolte du peuple algérien. Usage systématique de la torture, liquidations physiques, punitions collectives, exécutions sommaires, déportations, l'armée française s'est illustrée par une barbarie qui, tout en suscitant l'indignation et la réprobation de la communauté internationale, n'a fait que raffermir les liens entre le peuple et sa direction révolutionnaire. Au contraire de ce qu'attendaient les stratèges de la guerre contre-révolutionnaire, les massacres du 20 août 1955, qui se traduiront par la mort de près de 20 000 algériens innocents, vont confirmer la solidité des liens entre la population algérienne autochtone et la direction du FLN/ALN. Bien plus, ni les attaques aériennes meurtrières lancées aveuglément contre les mechtas et les douars des Aurès, de la Kabylie et de l'Ouarsenis, ni les opérations de ratissage déclenchées dans les principaux fiefs de la révolution, n'ont pu contraindre les populations civiles à se désolidariser des katibas de l'ALN auxquelles elles apportaient aide et assistance, malgré le danger que pareils actes représentaient. La joie du 5 juillet 1962 demeurera à jamais gravée dans la mémoire collective nationale. Elle traduit non seulement le sentiment que l'on peut, enfin, vivre librement mais aussi et surtout, la fierté de retrouver une dignité bafouée pendant toute la durée de l'occupation coloniale. Elle signifie également que les sacrifices de tous ceux et celles qui ont eu à défendre le pays n'ont pas été vains. A commencer par les valeureux cavaliers Hadjoutes, les fantassins de l'Emir Abdelkader et les voltigeurs d'Icheridène, en passant par les grands chefs de la résistance populaire, sans oublier bien sûr les centaines de milliers de martyrs de la révolution de novembre et des tristes événements de mai 1945. Le 5 juillet 1962 est, à bien des égards, la victoire de tout le peuple algérien. Les populations des régions qui ont eu le plus à souffrir de la guerre disent tout simplement que «l'indépendance, c'est la garantie que l'aviation française ne vous balance pas des bombes au-dessus de la tête». Pour tous les autres, c'est la fin des lendemains incertains.