Après l'insistance de l'ancien président W. Bush auprès de l'Union européenne afin que la Turquie puisse trouver place au sein de l'Union européenne, son successeur démocrate vient de revenir à la charge. Dans les colonnes du Corriere della Sera, le président Obama a tenu à expliquer le pourquoi du changement d'orientation de la politique étrangère du gouvernement de Tayyip Recep Erdogan. Ce n'est qu'une histoire de logique : quand les Turcs ne se sentent pas appartenir à la famille européenne, il est tout à fait naturel qu'ils aillent voir ailleurs. Autrement dit, la grande famille occidentale ne doit pas se vexer si Ankara se lie d'amitié avec la République islamique d'Iran ou avec le Brésil d'autant que la Turquie croit toujours en la solvabilité de l'accord de Téhéran. A celui-ci, l'Union européenne a préféré saluer l'annonce faite par les mollahs quant à reprendre langue en septembre prochain, sous conditions, avec le groupe des 5+1. Sauf qu'un pareil salut, que les Etats-Unis ont pourtant partagé au même moment, n'est pas de nature à grandir le capital confiance chez les Turcs. L'adhésion et rien que l'adhésion si les Occidentaux ne veulent pas voir leur «collègue» de l'Otan complètement leur échapper. Surtout que la période n'est pas propice pour rendre plus difficile ce qui l'est déjà. Bien qu'elles ne devraient pas déboucher sur une rupture de leurs relations, les actuelles tensions diplomatiques entre la Turquie et Israël sont assez fortes pour empêcher les Vingt-sept de claquer la porte au nez du candidat turc. Les Européens seraient-ils appelés à faire preuve d'hypocrisie durant les prochains mois, à défaut de conclure un accord de paix global au Proche-Orient, la présidence américaine serait comblée si elle venait à relancer le processus de négociations directes ? Les Européens devraient au moins s'abstenir d'épingler le partenaire turc sur des questions sensibles comme celle du musèlement des médias. Le secrétaire général de l'Otan, le Danois Rasmussen, a même piqué récemment une colère contre un rapport qui a mis le gouvernement turc dans la gêne. Les Vingt-sept de l'UE doivent changer d'attitude envers la Turquie et doivent absolument multiplier les gestes prouvant leur bonne foi envers le vieil empire ottoman. L'ouverture, mercredi dernier, à Bruxelles, d'un nouveau chapitre dans le long processus de négociations UE-Turquie, doit justement refléter l'attitude qu'il faut adopter en de pareilles circonstances. Quitte à faire traîner les pourparlers, au point que le gouvernement turc se sente à chaque fois revenir à la case départ. L'essentiel consiste à maintenir la Turquie dans le giron occidental, la perdre reviendrait à élargir le cercle des pays qui ont fini par loucher vers d'autres directions. A l'image de ces vieilles Républiques soviétiques qui, après une expérience de franc rapprochement avec l'Ouest, ont fini par rebrousser chemin et retourner au bercail, sous le parapluie protecteur de la Russie. Que dire de la Turquie qui, en plus d'entretenir de très bonnes relations avec l'empire du milieu et le géant russe, s'est totalement «affranchie» pour créer une alliance à trois avec l'Iran et la Syrie. Ce qui a valu à l'Etat hébreu la fermeture de l'espace aérien turc à ses Apaches. L'UE doit ainsi apprendre à tendre plus la main et à faire preuve de pragmatisme, à l'image d'Obama qui a pris la décision d'expulser les dix espions russes afin d'éviter une nouvelle brouille avec le Kremlin.