L'inauguration, samedi, d'une nouvelle mosquée au village Talbent, dans la commune de Zekri, à l'extrême est de la wilaya de Tizi Ouzou, a été une occasion pour les enfants de Zekri, qui ont quitté leur région depuis des années pour mille et une raisons, de se rencontrer autour d'une waâda (une offrande). La nouvelle mosquée, construite par les propres fonds des villageois, est une magnifique œuvre architecturale. Tous les villageois, hommes, femmes, enfants… se sont mobilisés, comme un seul homme, pour fêter l'évènement de fort belle manière. Les autorités locales se sont aussi mises de la partie pour apporter l'aide nécessaire. Durant toute la journée de samedi, des centaines de personnes, venues des régions limitrophes, mais aussi de la capitale, ont convergé vers le village Talbent, dans une atmosphère de fraternité et de convivialité. L'heure était aux retrouvailles. «Nous avons commencé la construction de ce lieu de culte en 2006 avec nos propres moyens. Avec l'aide de Dieu, nous voilà aujourd'hui ici réunis pour célébrer son inauguration», nous dira avec émotion l'un des membres du comité de village. A l'instar de leurs aïeux, les habitants de Zekri restent attachés à l'Islam et aux valeurs religieuses. Zekri est une commune forestière au relief accidenté qui dépend de la daïra d'Azazga. Elle est la localité la plus touchée par l'exode rural, dans la wilaya de Tizi Ouzou, pour ne pas dire de toute la Kabylie. 3200 âmes seulement y habitent aujourd'hui. Le nombre d'habitants se rétrécit comme une peau de chagrin d'année en année. L'exode a trouvé, depuis l'indépendance de notre pays, un terrain propice en faveur des conditions intenables, pour prendre de l'ampleur après l'avènement de terrorisme, au début des années 1990. Si certains ont quitté Zekri de leur propre gré pour s'installer dans des régions plus clémentes, d'autres étaient presque forcés au début des années 2000 de la quitter, pour des raisons sécuritaires, dit-on. La commune la moins peuplée à Tizi Ouzou Zekri est considérée comme la commune la moins peuplée de Tizi Ouzou. Une quinzaine de villages sont restés inhabités. Certains sont même inaccessibles. Citons, entres autres, Tigrine, Ighzer Mahcen, Oujaï, Tikriet, Aït Ahciène, un grand village qui englobe, à lui seul, 11 villages, le village historique Bounamane, pour ne citer que ceux-là car la liste reste encore longue. Une vingtaine environ. «J'ignore si notre maison est encore habitable. Depuis 1999 je n'ai pas mis les pieds dans mon village, Tizeghouine. Il est inaccessible», nous déclare un homme âgé du village en question, d'un air empreint de nostalgie, et d'ajouter : «Nous avons laissé derrière nous nos propriétés, nos champs et surtout les cimetières de nos ancêtres. Partout en Algérie l'Etat encourage le retour des déplacés, sauf dans notre commune. C'est injuste», dénonce-t-il encore. Aujourd'hui, la plupart des habitants d'origine de Zekri vivent à Alger, plus particulièrement à Birkhadem et Bir Mourad Raïs. Des centaines de familles veulent revenir sur leurs terres et s'installer dans leurs villages. Ils tiennent périodiquement des assemblées générales dans l'optique de s'organiser pour un éventuel retour collectif comme c'était le cas le 26 mars dernier. «Nous voulons créer une association pour mieux gérer ce problème, malheureusement on bute sur des contraintes administratives», annonce l'un des habitants de Birkhadem, originaire du village Tigrine. Toutes les personnes que nous avons questionnées à ce sujet ne rêvent que d'un retour vers leurs villages d'origine. «Nous avons sollicité toutes les autorités concernées, les autorités locales, la wilaya de Tizi Ouzou, mais rien n'est fait pour le moment. On attend et nous ne lâcherons pas prise», ajoutera un jeune Algérois qui dit n'avoir jamais mis les pieds dans les villages de ses parents. Un autre rétorque : «Il ne suffit pas de nous autoriser à retourner, n'oubliez pas que plus de 20 villages sont dépourvus de route, d'eau, d'électricité et d'autres commodités élémentaires. Il faut que l'Etat prenne en charge convenablement notre problème. Nous sommes des Algériens, non.» Un véritable parcours du combattant pour les habitants de cette commune pour retourner chez eux. Ils disent compter beaucoup sur la presse afin que l'opinion nationale soit au courant et sensibiliser les hautes autorités du pays sur se problème qui les hantent, mais ils comptent aussi sur les anciens moudjahidine originaires de Zekri, une région qui a payé un lourd tribu durant la révolution. Bounamane, un village fantôme Même le village historique de Bounamane fait partie des villages inhabités. Il est devenu fantomatique, témoigne-t-on. Pour rappel, ce village était, durant un bon moment de la guerre de libération nationale, le PC du colonel Amirouche Aït Hamouda de la Wilaya III historique. Si Moh Cherif Chaïb, qui a connu Amirouche à Bounamane témoigne : «Dans son dernier discours à Bounamane, juste avant son dernier départ vers la Tunisie, le colonel Amirouche nous a déclaré qu'il comptait sur nous pour le reste de la révolution, comme s'il savait qu'il n'allait pas revenir.» Des centaines de familles originaire de Zekri, éparpillées un peu partout en Algérie et même à l'étranger, restent aujourd'hui interdites de leurs villages et dépourvues de leurs propriétés. Les monts féeriques de Zekri sont aujourd'hui tristes sans leurs enfants.