Considérés il y a quelques années encore comme des saltimbanques ou amuseurs publics, les gnaoua sont aujourd'hui considérés comme des artistes à part entière et même des stars que s'arrachent les scènes internationales les plus prestigieuses. C'est depuis le XVIe siècle qu'ils ont pris racine au Maghreb. Descendants d'esclaves, ils sont venus, dans leur majorité, d'Afrique noire (Sénégal, Soudan et surtout du Ghana), essentiellement par la voie forcée de l'esclavage et avaient, pour subsister, pratiqué des métiers peu rémunérés (forgeron, menuisier, tailleur, etc.) et étaient la plupart du temps tenus en marge de la société. Ils furent amenés par les anciennes dynasties qui ont traversé l'histoire du Maroc et en partie celles de l'Algérie et de la Tunisie, en commençant par l'empire almohade pour les travaux et les bâtiments des palais et le renforcement des armées. La constitution en confréries des gnaoua à travers le Maroc s'articule autour de maîtres musiciens (les mâallem), des joueurs d'instrument (quasi exclusivement les qraqech ou qraqeb – sorte de crotales – et le gambri), des voyantes (chouafa), des médiums et de simples adeptes. Ils pratiquent ensemble un rite de possession syncrétique (appelé lila au Maroc, diwan en Algérie) et où se mêlent à la fois des apports africains et arabo-berbères pendant lequel des adeptes s'adonnent à la pratique des danses de possession et à la transe. Depuis dix ans, le festival d'Essaouira au Maroc est un haut lieu de rassemblement annuel de cette confrérie. Leurs pratiques, à la fois musicales, initiatiques et thérapeutiques, mêlent des apports africains et arabo-berbères. Bien que musulmans, les gnaoua fondent leur spécificité sur le culte des djinns (esprits) et leurs rites ont conservé nombre de traits propres aux cultes de possession africains. La cérémonie la plus importante et la plus spectaculaire des gnaoua est la lila, dont la fonction est essentiellement thérapeutique. Durant la célébration, le mâallem, accompagné de sa troupe, appelle les saints et les entités surnaturelles à prendre possession des adeptes, qui s'adonnent alors à la transe. Les instruments utilisés sont le luth-tambour à trois cordes (gambri), les crotales (qraqeb) et les tambours (ganga). Ce rituel est comparable au vaudou d'Haïti et à la macumba du Brésil. Au cours d'une lila, les sept couleurs sont passées en revue. Le rituel comporte trois grandes phases successives : l'aâda (procession), les kouyou (chants, jeux et danses) et les mlouk (lors de la transe).