Le gouvernement espagnol a accueilli avec beaucoup d'émotion et en même temps une certaine dose de sérénité contenue les informations rapportées samedi par des médias sur la menace de mort persistante qui plane ces derniers jours sur la vie des deux otages catalans, Albert Vilalta et Roque Pascual. Ces deux ressortissants espagnols avaient été enlevés le 29 novembre dernier en territoire mauritanien, en même temps que leur compatriote Alicia Gamez laquelle sera libérée sans conditions quelques semaines plus tard dans le nord du Mali par Mokhtar Benmokhtar, alias Belawar, chef du groupe de Al Qaïda pour le Maghreb Islamique (Aqmi) qui opèrent au Sahel aux côtés de celui commandé par Abdelhamid Abu Zeid. Le «radical» Abu Zeid La libération de la jeune femme espagnole avait alors autorisé tous les espoirs d´un aboutissement heureux de la médiation engagée par l´Espagne à travers de multiples canaux dans les pays du Sahel en vue de rendre leur liberté aux deux ressortissants espagnols. Or, la désastreuse intervention d´une unité d´élite de l´armée française le 22 juillet dernier contre un campement d'Aqmi à Tessalit (nord du Mali) où était supposé se trouver l´otage français Michel Germaneau dont l´exécution avait été revendiqué une semaine plus tard par le groupe de Abu Zeid, a fait craindre, pour le première fois, le pire aux autorités espagnoles. A Madrid on s´accroche depuis à l´espoir que le «modéré» Benmokhtar ne cède pas aux pressions du «radical» Abu Zeid. Le premier est intéressé par le paiement de consistantes rançons pour financer le terrorisme dans le nord de l´Algérie, alors que le second entend surtout venger la mort des sept membres de son groupe qui avaient trouvé la mort au cours de l´intervention militaire française. Pour obtenir la libération des deux otages espagnols, le gouvernement Zapatero est donc plus disposé que jamais à satisfaire dans la discrétion aux conditions posées par Ben Mokhtar : une importante rançon de 5 à 6 millions d´euros et la remise en liberté d´un certain nombre de salafistes emprisonnés à Nouakchott. La première condition ne pose pas problème pour Madrid. La seconde si, puisque la Mauritanie reste jusque-là inflexible sur toute concession de ce genre aux ravisseurs. Les Espagnols explorent donc toutes les formules possibles pour rabaisser les prix fixés par Aqmi. Un bluff de Aqmi ? Certaines «sources diplomatiques» dans la capitale espagnole n´écartent pas l´idée que l´organisation terroriste fasse dans le bluff pour relancer les enchères financières de la rançon. Des milieux du CNI (services de renseignements espagnols), plus proches des médiateurs maliens sur le terrain partagent ce point de vue mais ne veulent pas non plus minimiser la menace de Abu Zeid. Ils rappellent que ce dernier, décrit comme «violent et brutal» par les médias, avait déjà exécuté, en juin 2009, l´otage britannique Edwin Dyer, enlevé au début de la même année. Londres, à la différence de Berlin et de Vienne dont un groupe de ressortissants avait été pris en otage en 2002 par Al Qaïda dans le Sahel puis libéré contre paiement de 5 millions de dollars, avait refusé de céder aux exigences de Aqmi qui réclamait du Royaume-Uni d´agir auprès du Mali et de la Mauritanie pour faire libérer plusieurs de ses membres emprisonnés dans ces deux pays. Toutes les voies diplomatiques possibles Au lendemain de l´opération militaire française contre le groupe de Abu Zeid, la première vice-présidente du gouvernement espagnol, Maria de la Vega, puis à son tour le ministre des Affaires Etrangères Miguel Angel Moratinos avaient invité les médias à la prudence et tenu à faire observer que les deux Espagnols étaient détenus par un autre groupe que celui qui a enlevé puis exécuté le français et le britannique. Entendre un groupe plus «modéré» que celui de Abu Zeid. Observant toujours hier la même une attitude de discrétion, le gouvernement Zapatero continue, selon des sources informées à Madrid, d´explorer toutes les voies diplomatiques possibles pour rendre leur liberté aux deux catalans le «plus tôt possible». Ces efforts ont déjà partiellement abouti puisque le tribunal de Nouakchott, sous les pressions de la diplomatie espagnole, a au moins prononcé le mois dernier une peine relativement légère de 12 ans de prison contre Mohamed Sahraoui, présumé principal auteur de l´enlèvement des otages espagnols. Ce qui aux yeux des autorités espagnoles aidera à apaiser l´ardeur des ravisseurs. Le président Zapatero qui avait dès le départ écarté toute attitude de fermeté qui mettrait en péril la vie des otages semble conforté dans son choix. A Madrid, on continue de craindre, pour l´instant, sans oser le critiquer publiquement, que la «maladroite» politique antiterroriste suivie par la France engendre de hauts risques pour la vie des otages espagnols.