«Hoçgeldin Ramazan !», c'est en ces termes que les Turcs souhaitent la bienvenue au mois sacré du Ramadhan. En Turquie, ce mois se passe différemment selon que l'on est dans une grande ville ou dans une petite cité. C'est pour cette raison que le Ramadhan est vécu d'une manière différente si l'on compare les habitants des grandes villes avec ceux de la campagne. Dans les métropoles, les restaurants restent ouverts à longueur de journée et la vie continue comme s'il s'agissait d'une journée ordinaire. Dans la campagne, par contre, on sent vraiment le Ramadhan. Il faut souligner aussi qu'en Turquie, il y a un respect mutuel entre ceux qui jeûnent et ceux qui ne jeûnent pas. Le respect de l'autre est d'ailleurs l'un des enseignements du Ramadhan. Mois de spiritualité et de sérénité, il est également une occasion pour les Turcs de faire connaissance avec des objets supposés avoir appartenu au Prophète Sidna Mohamed. Des mosquées gardent soigneusement et depuis des siècles des choses du Prophète. Lors de ce mois uniquement, ces mosquées les exposent au grand public. Il s'agit là d'une occasion que les fidèles ne ratent pas. Comment les familles turques se préparent à l'arrivée du Ramadhan ? Avant le début de ce mois, les familles s'approvisionnent essentiellement en denrées alimentaires. Il faut dire que la consommation atteint son pic durant ce mois, que l'on appelle également en Turquie «le roi des mois de l'année». À l'heure de la rupture du jeûne, même ceux qui ne font pas le Ramadhan tiennent à assister à ce repas. C'est ainsi que pour aussi bien les jeûneurs que les non jeûneurs, le ftour est un moment de convivialité où l'on savoure les mille et un délices de la gastronomie turque. La carte culinaire de ce pays est certes des plus riches et appétissantes à travers le monde. Connue et reconnue internationalement, la cuisine turque est célèbre pour ses mets succulents et ses confiseries originales. Bouillon de culture à Istanbul ! Ramadhan a un goût spécial en Turquie. Le mois sacré ne perturbe guère la vie quotidienne, bien au contraire. Les cafés, restaurants, bars… restent ouverts pendant les journées du mois sacré. Il n'y a pas d'exception non plus dans le travail. Les horaires restent inchangés. Ceci étant et malgré les efforts de laïcisation de la société turque, l'islam reste très présent dans le pays d'Atatürk et le jeûne du Ramadhan y est largement observé. Pendant le jeûne (oruç en turc) à Istanbul comme à Ankara, Izmir ou Bursa… la circulation est dense et le trafic est très perturbé dans les grandes villes. Dans la tradition orientale, le commerce est une seconde nature chez les Turcs. Pour passer le temps, l'après-midi, les habitants d'Istanbul préfèrent flâner dans les souks. Le temps passe vite surtout dans Le Grand Bazar, le cœur marchand d'Istanbul, qui incarne bien ce penchant séculaire pour le commerce. Ce souk légendaire est considéré comme le plus grand marché traditionnel couvert dans le monde. A une heure environ du coucher du soleil, les Turcs ont l'habitude de faire la queue devant les boulangeries. Différentes variétés de pain traditionnel se vendent exceptionnellement pendant le mois du jeûne. A leur tête, le pidé. Une variété très consommée pendant le mois sacré. C'est un pain normal, mais qui rappelle les Turcs du siècle passé. C'est très nostalgique. Mieux encore, c'est l'aliment qui unit les 80 millions de Turcs. Juste après, des coups de canon sont tirés au moment de l'Iftar. Autour de la table, famille et amis se réunissent dans une atmosphère mi-pieuse, mi-festive. L'hospitalité est une vertu cultivée durant le mois sacré de même que le respect des traditions. La première quinzaine du mois, les Turcs restent chez eux. A partir de la seconde moitié, c'est le ballet des invitations et visites qui commence. Chez les familles conservatrices, le repas de l'Iftar commence d'habitude par les dattes et le lait, conformément aux habitudes du prophète. Autrement, l'on commence par les olives. La table du f'tour est des plus raffinées. Elle est sous forme de petit- déjeuner accompagné de potages. Après les dattes ou les olives, des boissons douces, un petit déjeuner et la «çorba» (lire chorba : un potage le maximum liquide possible) suivi du dîner traditionnel. Les mezzés ne sont pas en reste. Comme en Syrie et au Liban, ce sont des hors-d'œuvre, de petites entrées servies dans des coupelles. Les salades les plus connues sont la salade de choux (lahana) ou celle dite de sérail, composée de tomates, oignons, citron et… menthe. Le pot-au-feu est généralement composé de viandes, de grillades (kebab) et de riz. Le plat le plus consommé est le boulgur : du blé concassé qui se prépare avec légumes et fines herbes. Le kebab de Bursa servi avec du yaourt est aussi apprécié. Viennent ensuite les boissons : à leur tête le thé noir, le lait battu et… Coca-Cola. Le thé est la boisson nationale n°1, il se boit très fort et parfumé et est généralement servi dans de petits verres en forme de tulipe et des plateaux en cuivre. Le café turc n'est pas très consommé pendant le mois sacré. Après l'Iftar, les Turcs vaquent à la prière de nuit (yatsi namazi) suivie par les Taraouihs (Tervih en turc). Chaque soir, les fidèles vont prier dans des mosquées différentes. A Istanbul, ils ont l'embarras du choix. Une centaine de mosquées aussi monumentales que modestes embellissent la ville. La mosquée bleue est la plus célèbre de même que celle d'Eyup (Ayoub, mort à Istanbul) et de Salomon le Magnifique. Avant les aurores, c'est le Sahur (shor). Des bénévoles désignés par la municipalité parcourent les rues et réveillent les gens à coups de tambour. Ils tambourinent et chantent un couplet de rimes.