Jeudi matin à l'aurore, les derniers éléments de la dernière brigade de combat américaine stationnée en Irak ont traversé la frontière koweïtienne. Parti de la base d'Abou Ghraïb, située à 25 km à l'ouest de Baghdad, le convoi blindé de la 4e brigade de la deuxième division d'infanterie a roulé toute la nuit, survolé par des chasseurs bombardiers de l'US Air Force, prêts à intervenir en cas d'embuscade. Le niveau de l'insurrection sunnite antiaméricaine ayant considérablement diminué depuis les trois dernières années, l'ultime voyage de la brigade Stryker s'est déroulé sans encombre, sans même la moindre explosion de road-side bomb. Parmi les derniers partants, il y avait un mitrailleur âgé de 26 ans, du nom de Clinton Clemens, qui avait vécu sur le terrain toute l'histoire de l'expédition militaire américaine en Irak. En mars 2003, juché sur la tourelle d'un véhicule blindé, il avait connu la course facile à Baghdad à partir du sud du territoire irakien, dans un contexte où l'armée de Saddam Hussein ne s'était pas vraiment battue. C'était l'époque où les chefs néoconservateurs du Pentagone n'avaient que le mot «libération» à la bouche. L'automne 2004, pour son deuxième séjour en Irak, Clemens fut envoyé à Ramadi (fief sunnite de l'ouest du pays), où il constata que, contrairement à ce que le président Bush avait déclaré le 1er mai 2003, la guerre était loin d'être terminée. Tous les jours, ses camarades et lui étaient harcelés par des groupes de guérilleros, composés de cadres de l'ancienne armée irakienne, que le proconsul américain Bremer avait eu l'imprudence de dissoudre sans autre forme de procès. Commentant en direct à la télévision ce «moment historique», le porte-parole du département d'Etat (ministère des Affaires étrangères) a pris soin de préciser : «Nous ne mettons pas fin à notre engagement en Irak. Nous allons avoir un important travail à faire. Ce n'est pas la fin de quelque chose, mais une transition vers quelque chose de différent. Nous sommes engagés à long terme en Irak.»