Le paiement des rançons aux groupes terroristes et l'élargissement de leurs membres emprisonnés en contrepartie de la libération d'otages civils irritent au plus haut point les pays en lutte contre Al Qaïda et ses affidés. Parce qu'elle renforce les capacités de nuisance de la nébuleuse terroriste, cette pratique représente une sérieuse menace sur la sécurité internationale. Dans un discours sans concession prononcé à New York, dans le cadre de la seconde revue onusienne sur la stratégie de lutte contre le terrorisme, Kamel Rezag Bara a appelé la communauté internationale à mettre en place des procédures contraignantes contre les Etats qui ne respecteraient pas leurs engagements. Le conseiller du président Abdelaziz Bouteflika a en effet soutenu que le paiement de rançons aux criminels auteurs d'enlèvements de ressortissants occidentaux ne fait que consolider les bases du crime organisé et du terrorisme transnationaux. Intervenant à travers le panel consacré au thème «La rançon comme moyen de financement du terrorisme», M. Rezag Bara a relevé que «le phénomène de prises d'otages par les groupes terroristes suivi de demandes de rançons et d'élargissement de terroristes détenus en contrepartie de la libération d'otages, a pris une ampleur telle qu'il compromet la stabilité de ces régions et la sécurité internationale». L'orateur a estimé que si les mesures prises à l'échelle internationale pour lutter contre le financement du terrorisme international ont eu leur effet. Mais les groupes terroristes et à leur tête Al Qaïda ont trouvé des solutions alternatives pour leur financement, rappelle l'orateur, qui cite la contrebande, le trafic de drogue et d'armes mais aussi et surtout les enlèvements de ressortissants contre le paiement de rançons par leurs gouvernements. Des otages en or M. Rezag Bara a regretté que des Etats cèdent au chantage, encourageant de ce fait les groupes terroristes à persévérer dans leurs activités criminelles car les rançons récoltées servent au recrutement et à l'acquisition d'armements et de moyens logistiques sophistiqués. Le conseiller du chef de l'Etat a révélé que pour la seule région du Sahel, il a été établi que les différentes opérations de prises d'otages par les groupes terroristes depuis 2005 ont rapporté aux terroristes plus de 50 millions d'euros, auxquels s'y ajoute un montant de 100 millions d'euros sous diverses formes. Décortiquant le mode opératoire des groupes terroristes dans les prises d'otages, le représentant algérien a indiqué que les terroristes procèdent à l'exécution de l'opération d'enlèvement, le plus souvent sous-traitée auprès de bandits et trafiquants locaux, moyennant une rétribution variant entre 10 et 50 millions de FCFA. «L'enlèvement est annoncé, selon le cas, soit par communiqué, soit par un contact téléphonique avec les membres de la famille de l'otage ou des représentants de l'Etat dont il est originaire, soit par des intermédiaires entre les autorités du pays d'accueil ou par l'envoi d'émissaires. Le recours à internet ou à des stations de télévision satellitaires telle El Jazeera est utilisé pour la revendication de l'acte», a ajouté M. Rezag Bara qui précise que «le recoupement de déclarations de terroristes arrêtés permet d'affirmer qu'aujourd'hui, le tarif de base pour la libération d'un otage avoisine les 5 millions d'euros». Des normes plus contraignantes L'exigence de la libération de terroristes détenus en contrepartie de la libération d'otages est une forme de mutation du terrorisme, a expliqué M. Rezag Bara qui considère que ce procédé ouvre une brèche dangereuse dans l'entreprise mondiale de lutte antiterroriste. Pour lui, cette situation prend une dimension préoccupante lorsque les terroristes élargis sont concernés par une demande d'extradition ou portés sur la liste récapitulative du comité 1267 institué par la résolution 1267 du Conseil de sécurité des Nations unies. En procédant à la libération des terroristes, certains pays agissent à contre-courant des efforts menés par la communauté internationale pour tarir les sources de financement du terrorisme et en violation de la résolution 1904 adoptée en décembre 2009 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il est évident, a rappelé le représentant de l'Etat algérien, que le cadre juridique actuel dans le domaine de la lutte contre le financement du terrorisme n'est pas efficace en l'absence d'une norme juridique contraignante. Par conséquent, la communauté internationale est interpellée pour l'établissement de nouvelles règles et la mise en place de procédures de rappel à l'ordre contre les Etats qui ne respecteraient pas leurs engagements. A ce titre, M. Rezag Bara a montré les faiblesses de la résolution 1904 de décembre 2009 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui n'appelle pas de manière expresse à incriminer le versement de rançons aux terroristes. M. Rezag Bara a estimé qu'il convient de prendre, comme cela a été le cas pour la communauté africaine, une disposition juridique plus contraignante que celle figurant dans sa résolution 1904, qui devrait incriminer aussi bien le paiement de rançons que l'élargissement des détenus pour activités terroristes en contrepartie de la libération d'otages. La lutte contre le terrorisme transnational devra aussi s'appuyer sur une résolution de l'Assemblée en vue de l'élaboration de mesures complémentaires aux conventions déjà existantes, à savoir la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 2002 et la Convention internationale contre la prise d'otages de 1979.