Les images reviennent systématiquement chaque année à cette période. Dominées par une incompréhensible panique, elles donnent à voir un décor à plusieurs pans mais une seule certitude partagée : la pluie fait terriblement peur aux Algériens. Et ce sont les exemples qui leur «donnent raison qui se multiplient plutôt que les indications qui puissent les rassurer». Les formules aussi prolifèrent en la matière. Elles vont de l'humour un peu dérisoire au constat d'impuissance face à ce qui aurait pu être depuis longtemps réduit à ce qu'il est, un risque vivable comme la nature en a toujours réservé à l'humanité. Mais l'humanité, du moins celle qui en a les moyens, en a jugulé bien plus périlleux et une question aussi stupide que celle des «avaloirs» et d'autres procédés d'évacuation aurait pu être reléguée au rang de mauvais souvenir qui ferait même sourire au moment de se remémorer qu'on a eu si peur pour si peu, qu'on a perdu sa maison, ou pire, que des hommes en sont morts. Mais les images comme le reste reviennent toujours. Alger se noie dans un verre d'eau. L'image d'abord, qui n'est jamais très loin de l'apocalypse. Aux premières gouttes, une débandade générale s'installe sur les routes et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tout le monde est au sauve-qui-peut. Par des réflexes de survie dictés par le bon sens, souvent, et par le geste dérisoire, parfois. Il n'y a pas plus dangereux que quelqu'un qui a peur, et la peur, quand il commence à pleuvoir sur Alger, elle prend violemment ses automobilistes à la gorge. On tente n'importe quoi sans vraiment en mesurer les conséquences. L'élan de solidarité peut épouser les contours de danger public et le geste machinal se faire apprécier comme planche de salut. Alger, hier comme les autres fois avant, a fait du pare-chocs contre pare-chocs à des heures indues parce qu'habituellement clémentes. Des regards se croisent à travers les vitres pour partager une angoisse inattendue. L'échange de propos est rare, mais unanime à évacuer la responsabilité du ciel. Il n'y est quand même pas pour grand-chose pour une fois. Il ne l'a peut-être jamais été. Ni dans les drames passés ni dans les peurs présentes. Seulement, il semble qu'on l'a définitivement compris. Depuis Bab El Oued, désormais repère de la négligence criminelle, on sait d'où vient le vent de la mort stupide. On sait que le ciel n'est pas si généreux au-dessus de nos têtes pour nous pousser à la résignation. Quelques gouttes automnales ont suffi pour que l'enfer soit de retour. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir