La disparition des nombreux étalages a été propice aux innombrables commerçants implantés le long de l'avenue. Profitant de l'espace mais également de l'omniprésence des forces de police, ces commerçants ont squatté des pans entiers de trottoirs, ceux-là mêmes qui étaient occupés par les vendeurs à la sauvette. Une situation visiblement très mal perçue par les policiers qui demeurent impuissants à ce phénomène. Cela étant, les centaines de policiers en tenue ainsi que les innombrables autres, invisibles car en civil, ne procurent aucune chance aux jeunes commerçants à l'étalage de reconquérir les espaces perdus lors de l'opération d'éradication opérée il y a quelque temps. Les yeux grands ouverts, les policiers, quotidiennement en alerte, sont à l'affût du moindre mouvement. Des fourgons sont stationnés dans chaque ruelle conduisant au centre de la cité Bachdjarah. Un dispositif mis en place pour parer à toute expression de violence de la part des jeunes chômeurs qui refusent toujours de prendre possession du marché installé au centre de la cité des Palmiers, située à quelques encablures. Quelques jeunes, anciens commerçants, récalcitrants sont adossés au mur. Ils dévisagent les policiers comme pour exprimer leur mécontentement. D'autres, plus futés, ont installé leur commerce dans certaines ruelles loin des regards des policiers et avec la complicité tacite de certains habitants. «Je préfère que ce soit des jeunes de la cité que ceux provenant des régions périphériques.» L'expansionnisme auquel s'adonnent les commerçants n'est pas apprécié par beaucoup des habitants qui affirment que «ces derniers profitent de l'occasion pour phagocyter des espaces qui leur sont interdits». D'autres s'interrogent : «Pourquoi la notion de voie publique échappe aux autorités lorsqu'il s'agit des commerçants ?» Une question que beaucoup de citoyens ne cessent de se poser. Une atmosphère électrique Devant la situation qui prévaut dans cette rue très connue pour avoir été le «bazar de la capitale», l'atmosphère est électrique et les services de police en sont conscients. Faisant preuve de clairvoyance, ils redoublent de vigilance et multiplient les rondes pédestres de jour et de nuit. A l'entrée de l'ex-marché de Bachdjarah, les clandestins chôment. «Si à l'époque nous réalisions un bon pécule au travers des diverses courses, aujourd'hui, avec la disparition du marché, nous vivons une période de disette», fulminent ces derniers, les clefs de voiture à la main. Nous remarquons aussi certains étals providentiels ainsi que des revendeurs à la sauvette. Avec quelques objets pendus à leurs bras, ils invitent les clients à la criée. «Ce sont les nouveaux commerçants», lance un vieil homme. Pour connaître les raisons de cet acharnement, nous nous sommes rapprochés d'un jeune adolescent. Après insistance, il nous répond : «Je vous ai pris pour des policiers.» Rassuré, il nous fait savoir qu'il est le «seul garçon d'une famille composée de cinq membres dont quatre sont des filles». «Vous ne pensez pas que je vais permettre à ma sœur d'aller gagner de l'argent illégalement», rage ce jeune qui ajoute : «Le travail vient à manquer, même pour les filles, et l'exemple de ma sœur, licenciée mais sans travail, est un exemple édifiant.» A quelques mètres de là et à l'entrée d'un immeuble, nous remarquons un attroupement. Par précaution, nous nous rapprochons discrètement pour constater une transaction entre des clients et un revendeur d'or. Cette catégorie de commerçants prolifère loin des regards. Nous sommes immédiatement repérés par des guetteurs qui nous sommes de quitter les lieux. Nous nous exécutons sagement par peur de représailles. Quelques minutes plus tard, les revendeurs, alertés par les guetteurs, ont disparu. Dire que le commerce informel est éradiqué à Bachdjarah est insensé car sur le chemin du retour, nous constatons d'innombrables commerçants ambulants installés çà et là. Le comble est que ces marchands de fruits et légumes s'aventurent même à s'installer à quelques mètres du siège de la BMPJ de Bachdjarah. Le constat des commerçants qui s'adonnent à une véritable extension illégale en accaparant la voie publique, les revendeurs à la sauvette ainsi que les revendeurs ambulants, exacerbe la situation déjà électrique qui prévaut au sein de la population juvénile qui caractérise ce quartier périphérique d'Alger. Une situation difficile à maîtriser par les forces de police qui s'efforcent de maintenir l'ordre.