Le changement de gouvernement annoncé depuis cinq mois par Nicolas Sarkozy devrait intervenir lundi ou mardi et jette déjà le trouble dans la majorité, en particulier du côté centriste. Nicolas Sarkozy a conclu mercredi la longue séquence de la réforme des retraites, qui a mobilisé contre elle des millions de manifestants depuis début septembre, en promulguant cette loi aussitôt après le feu vert du Conseil constitutionnel. Le chef de l'Etat français pourra se consacrer, dès son retour du sommet du G20, samedi, à la formation du nouveau gouvernement. Selon son entourage, il pourrait même mettre à profit les onze heures d'avion entre Séoul et Paris pour y travailler. "Le président de la République nous a dit lundi qu'il s'occuperait du remaniement à son retour de Séoul, sous réserve que la loi sur les retraites soit promulguée, ce qui est fait", a déclaré à Reuters un dirigeant de l'UMP. Quant au secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche, il a déclaré que le Conseil des ministres de mercredi était "probablement" le dernier du gouvernement actuel. Selon le site internet du Figaro, Nicolas Sarkozy exposera les grandes priorités de la fin de son quinquennat le jeudi 18 novembre à la télévision, dans la foulée du remaniement. Le porte-parole du gouvernement a confirmé cette séquence, sans donner de date. "Le président de la République a toujours évoqué l'idée qu'après la réforme des retraites il y ait une nouvelle séquence dans son mandat", a expliqué Luc Chatel. "Les priorités qu'il fixera décideront des hommes et des femmes qui incarneront cette politique". Puis le chef de l'Etat s'exprimera "pour expliquer son choix", a-t-il ajouté. Cette explication sera d'autant plus nécessaire si Nicolas Sarkozy garde le Premier ministre actuel, François Fillon, au risque d'affaiblir son autorité et son message sur une "nouvelle étape" du quinquennat, estime une source gouvernementale. Après avoir été donné partant, François Fillon semble aujourd'hui le mieux placé.. Mais le ministre de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, a laissé entendre, lors d'une conférence de presse, qu'il n'avait pas perdu espoir d'aller à Matignon. Son entourage dément qu'il ait menacé de quitter le gouvernement s'il n'était pas Premier ministre. Il n'en a pas moins réuni mardi les députés de sa formation, le Parti radical, puis, dans la soirée, 35 élus et responsables des différentes chapelles centristes pour parler de l'après-remaniement. Le centre n'a pas le sentiment d'être vraiment entendu et veut faire en sorte que les électeurs centristes soient mieux représentés et écoutés, précise le député radical Frank Ryenier. "C'est le travail qu'on va faire", ajoute-t-il. "Si on peut passer par Matignon tant mieux. Si ce n'est pas par Matignon, ce sera par d'autres voies." Selon le ministre de la Jeunesse, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Louis Borloo a dit à ses amis centristes que s'il n'allait pas à Matignon, il faudrait "traiter cela avec élégance". Il a plaidé pour une réorganisation du centre au sein d'une confédération "pour rééquilibrer la majorité et faire en sorte d'être mieux entendu", a ajouté ce centriste de l'UMP. "Nous nous retrouverons lundi pour tirer les conséquences de la situation", a ajouté Marc-Philippe Daubresse. "Si Jean-Louis Borloo n'est pas Premier ministre, il consultera l'ensemble de ses amis pour savoir s'il reste ou non au gouvernement." Nicolas Sarkozy, qui a rouvert la boîte à rumeurs, ne pourra miser que sur la composition du gouvernement pour matérialiser la "nouvelle étape" promise, s'il garde François Fillon. Or, à en croire des sources dans les ministères et à l'UMP, ce remaniement pourrait se résumer pour l'essentiel à un jeu de chaises musicales, assorti d'une réduction et d'une féminisation de l'équipe gouvernementale. Le retour du député-maire de Bordeaux Alain Juppé, au poste de ministre de la Défense, serait une des rares nouveautés, avec celui du secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, auquel devrait succéder le patron des députés UMP, Jean-François Copé. Si le départ du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, symbole d'ouverture à gauche, paraît acquis, il n'est pas certain qu'il soit remplacé par la ministre de l'Economie, comme la rumeur en a couru avec insistance. "Je suis très bien là où je suis", a déclaré mercredi Christine Lagarde, qui serait finalement peu encline à laisser les clefs de Bercy au ministre du Budget, François Baroin, avec qui elle est à couteaux tirés, dit-on de source gouvernementale. Il est question d'un éventuel échange de postes entre le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, et le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux. Et la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, pourrait être promue à la Justice, à la place de Michèle Alliot-Marie. "Nous n'avons aucune signe, aucun contact, aucune indication sérieuse", relativise cependant un collaborateur d'un ministre en vue. "On sait que le compte à rebours a commencé mais les ministres seront, comme d'habitude, les derniers avertis."