Les esprits s'échauffent à l'approche d'un remaniement ministériel annoncé de longue date et la rivalité s'aiguise entre les deux favoris pour le poste de Premier ministre: le sortant François Fillon et Jean-Louis Borloo. François Fillon a signifié, mercredi soir, au président français son souhait de rester, en vantant son bilan social au moment où son concurrent insiste sur la nécessité de restaurer un dialogue avec les syndicats après la très contestée réforme des retraites. «Je crois à la continuité de notre politique réformiste parce que l'on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l'action», a lancé François Fillon, 56 ans. Le Premier ministre, qui a mis du temps à trouver sa place à côté de l'«hyperprésident» Nicolas Sarkozy, s'appuie sur une cote de popularité très supérieure à celle du chef de l'Etat et compte de nombreux soutiens chez les parlementaires de droite. Un sondage TNS Sofres Logica publié jeudi, confirme l'insolente cote de confiance de François Fillon, qui gagne 4 points en un mois pour s'établir à 38%, contre 26% à Nicolas Sarkozy (stable), son plus bas niveau depuis son élection en 2007. «Nous avons des défis à relever qui ne se prêtent nullement à des virages tacticiens», a poursuivi M.Fillon, qu'une majorité de Français -51%- souhaite voir maintenu à son poste. Ce plaidoyer pro domo intervient alors que tarde à venir le remaniement ministériel annoncé dès le mois de juin par Nicolas Sarkozy, qui veut se relancer à dix-huit mois de l'élection présidentielle de 2012. Mais qui repousse l'heure du choix entre Fillon et Borloo. Ce changement d'équipe était au départ programmé pour la fin octobre, soit après la délicate réforme des retraites et avant la présidence française pour un an du G20. Mais depuis, des proches du président ont indiqué qu'il pourrait attendre l'après sommet de l'Otan de Lisbonne, le 20 novembre. Tout en apparence oppose le classique et sage François Fillon, père de cinq enfants au style bourgeois provincial, à l'excentrique Jean-Louis Borloo, 59 ans, bon vivant aux cheveux en bataille et à l'allure souvent négligée. Dans une perspective de reconquête de l'opinion, le populaire Jean-Louis Borloo présente un atout: il est décrit par le bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, comme un «orfèvre en matière sociale» qui «a l'oreille des syndicats». Ancien ministre de l'Emploi et ancien maire de Valenciennes (nord), Jean-Louis Borloo avait fait de cette ville sinistrée le laboratoire de sa méthode de rénovation urbaine et de redressement économique et social. Mais cet ex-avocat d'affaires, marié à une journaliste connue de la télévision, Béatrice Schoenberg, et proche de l'ancien entrepreneur controversé Bernard Tapie, est un Premier ministrable contesté au sein de la majorité. «Beaucoup disent aujourd'hui au président que Borloo exploserait au bout de trois mois, et peut-être même moins», assène un responsable de l'UMP. François Fillon et Jean-Louis Borloo ne se sont jamais appréciés et depuis quelques semaines, leur animosité a pris un tour plus virulent, le Premier ministre qualifiant de «zozo» son éventuel successeur. «Ce ne sont que des boules puantes!», confie régulièrement à ses visiteurs M.Borloo en réponse. «On dirait Santa Barbara!», a réagi la dirigeante des Verts Cécile Duflot, comparant le remaniement annoncé à la série télévisée américaine fleuve des années 1980. Au gouvernement et dans les cabinets, tout le monde «ne pense qu'à une seule chose, c'est quoi mon futur boulot», a-t-elle déploré. Pour près de huit Français sur dix, le prochain remaniement ne permettra pas au président Nicolas Sarkozy de retrouver la confiance du peuple, selon un récent sondage BVA.