Quel crédit peut-on accorder au témoignage d'Abdelkader Tigha sur l'affaire des moines de Tibhirine ? Le juge Marc Trévidic, qui l'a écouté ce jeudi à Amsterdam pendant près de 7 heures, a dû se faire la même idée de l'ancien militaire algérien que le journaliste de Libération qui l'avait interrogé huit ans plus tôt. C'est-à-dire un homme fantasque, comme a eu à le décrire l'avocat de la partie civile, Me Baudoin. A l'évidence, Tigha ne sait pas grand-chose de ce qui s'est passé réellement en 1996. Quand bien même eut-il été sous-officier dans une structure du renseignement du DRS à Blida, son témoignage ne livre aucun élément nouveau sur lequel pourrait se baser l'enquête pour déterminer si, vraisemblablement, la mort des 7 moines trappistes est une bavure de l'armée algérienne. Selon Tigha, l'affaire a été manipulée de bout en bout par les services algériens. Le DRS aurait ainsi sous-traité l'enlèvement des 7 religieux avec le GIA, suggérant que cette organisation terroriste serait une création des services algériens. Une idée répandue à l'époque par les activistes du Fis-dissous, pour dédouaner les islamistes de leurs crimes. Ensuite, dit-il, le DRS fera libérer les otages contre le versement d'une rançon aux ravisseurs (sic !). Les mêmes services feront ensuite croire à l'opinion nationale et internationale qu'un commando de l'armée algérienne avait réussi à libérer les religieux. Mais, selon Tigha, «les choses ont dérapé». Comment ? Là, Tigha entraîne son auditeur dans une histoire saugrenue, vraisemblablement inspirée de ce qui se raconte à propos des 7 otages enlevés à Arlit, au Niger. Les sept religieux français, affirme-t-il, ont été confiés par leurs ravisseurs à un second groupe du GIA, qu'il appelle Zone 2, dont il dit qu'il était réputé pour la cruauté de ses chefs. Sous-entendu : il n'était pas contrôlé par le DRS. Au moment où ils ont été transférés à la zone 2 du GIA, où ils ont changé de main, l'affaire a échappé aux services. Ils ne pouvaient plus rien faire», a expliqué Abdelkader Tigha sur Europe 1 qui confirme que les moines ont été égorgés par l'émir de la Zone 2 à l'époque. Pour donner consistance à ses propos, il ne manquera pas de casser du sucre sur ses ex-compagnons d'armes. Ainsi, à le croire, une fois informés que les moines avaient été exécutés par leurs ravisseurs, les militaires sont partis à leur recherche… deux semaines après leur mort. Avec pareilles déclarations, le juge Trévidic, qui a eu à entendre le témoignage de deux officiers supérieurs et plusieurs diplomates français, aura certainement du mal à démêler l'écheveau. Pour ceux qui ont suivi de près cette affaire, les propos de Tigha ne font qu'épaissir le mystère autour de la mort des hommes de Dieu. Et à diluer l'enquête dans les divagations de quelques déserteurs en mal de notoriété à trop vouloir impliquer l'armée algérienne. L'assassinat des moines de Tibhirine a été revendiqué en son temps par l'organisation terroriste dirigée alors par le sinistre Zitouni. Un autre chef du GIA, Abdelhak Layada, a expliqué les détails de l'affaire. L'homme se dit même prêt à témoigner devant les juridictions françaises.