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Bouteflika dénonce le double langage de Madrid
Sahara occidental
Publié dans Le Temps d'Algérie le 14 - 12 - 2010

Les nouvelles révélations parues sur le site WikiLeaks à partir de câbles du département d'Etat, largement reprises par El Pais dans son édition d'hier, ont de quoi mettre le gouvernement socialiste dans l'embarras. En avril 2004, à la suite de l'arrivée des socialistes au pouvoir, Zapatero avait opté pour rééquilibrer les relations de l'Espagne au Maghreb et affirmé sa «neutralité positive» sur la question du Sahara occidental.
Une position équilibrée ?
Les révélations de WikiLeaks apportent la preuve qu'il avait fait exactement le contraire de ce qu'il avait clamé, caressant le Maroc dans les sens du poil en toutes circonstances, et adoptant une controversée position de soutien à l'occupation militaire de l'ancienne colonie espagnole par son voisin du sud.
Les «fuites» émanant des conversations que les nombreux émissaires du département d'Etat ont eues depuis 2004 avec les autorités espagnoles concluent que le gouvernement socialiste n'avait pas développé comme il l'avait promis «une position équilibrée» sur la question sahraouie, mais avait soutenu une solution pro-marocaine en éprouvant toutes les difficultés du monde à camoufler, après avoir contribué à l'échec du plan Baker, en 2004.
Bien qu'adopté en juillet 2003 à la majorité des pays membres du Conseil de sécurité, ce plan avait été rejeté par le Maroc. L'ancien ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, s'était empressé de conclure que le plan de l'ex-secrétaire d'Etat américain qui prévoyait un référendum sur la base de trois options - indépendance, autonomie ou rattachement au Maroc - n'était pas «un document sacré» pour ne pas être mis de côté.
Le modèle de la Catalogne
La même année, Miguel Angel Moratinos avait commencé à préparer le terrain, au niveau des grandes puissances qui siègent au Conseil de sécurité, pour l'abandon définitif dans ses futures résolutions des notions de «décolonisation», de «souveraineté» ou d'«indépendance» du territoire sahraoui. Au motif que ces options sont inapplicables sur le terrain ou dangereuses pour la sécurité dans la région menacée de déstabilisation par le terrorisme islamique.
L'ex-chef de la diplomatie espagnole suggère des formules plus adaptées aux thèses de Rabat, soutenues fermement par Paris, comme la «régionalisation », l'«autonomie» ou le «gouvernement autonome».
Il suggérera aux Marocains d'opter pour une solution au problème de l'ancienne colonie espagnole «similaire au modèle autonomiste que l'Espagne envisageait pour la Catalogne», plus concrètement des attributions administratives assez larges dans le cadre de la souveraineté du royaume.
L'ambassadeur espagnol à Rabat avait confié à son homologue américain en 2006 que «le Maroc devrait présenter une proposition crédible comme alternative au plan de l'ex-secrétaire d'Etat James Baker. Le gouvernement espagnol «s'était empressé de soutenir le plan de régionalisation, annoncé en janvier 2010 par le roi Mohammed VI» et travailler pour qu'il soit imposé comme la seule base de travail au cours des négociations directes entre Rabat et le Front Polisario.
Plus pro-marocain que Mohammed VI
Selon les câbles du département d'Etat, le double langage du gouvernement socialiste espagnol a fini par irriter Alger et les capitales qui soutiennent la cause du peuple sahraoui. Le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas manqué de le faire savoir déjà en 2005 aux émissaires américains quand il leur confiait que «les socialistes espagnols ont adopté une attitude déloyale envers les Sahraouis».
Une position qui s'alignait au fond graduellement sur celle de la France, même si M. Moratinos, et l'ex-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Bernardino Léon Gross, actuellement secrétaire général de la présidence du gouvernement espagnol, avaient vainement tenté de convaincre Paris d'adopter une «position plus neutre», entendre moins trop flagrante, sur la question du Sahara occidental.
Les autorités marocaines elles-mêmes auraient conseillé à l'Elysée d'être plus subtil et de ne pas trop déclarer publiquement, comme il le faisait, son soutien inconditionnel à leurs thèses pour que la position de la France sur la question du Sahara occidental soit crédible au plan international.
M. Leon Gross, qui était au début des années 90 en poste à l'ambassade d'Espagne à Alger, aurait ironisé alors à ce sujet, au cours d'une conversation avec un émissaire du département d'Etat, lorsqu'il qualifiait «la position de Jacques Chirac de plus pro-marocaine que celle du roi Mohammed VI lui-même».
Les deux fois «non» de Zapatero à Mohammed VI
L'Espagne, qui a de gros intérêts économiques avec l'Algérie, surtout au plan énergétique, n'a pas osé toutefois franchir la ligne rouge qu'elle s'était fixée sur ses relations avec Alger comme sur la question des violations des droits de l'homme dans son ancienne colonie. Pour la première fois, en juillet 2008 à Oujda, le président Zapatero avait osé dire «non» au roi Mohammed VI qui lui proposait de faire une déclaration demandant la réouverture de la frontière terrestre algéro-marocaine. Il a dit une deuxième fois «non» à un émissaire du souverain alaouite,
venu en avril 2009 à Madrid lui faire part du désir du roi marocain de voir l'Espagne s'engager aux côtés de la France pour torpiller les initiatives lancées en direction des Nations unies par les amis de la cause sahraouie - dont l'Algérie - sur la question de l'élargissement des prérogatives de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental.
Le Maroc a ainsi accumulé échec sur échec au plan diplomatique dont le plus retentissant, selon l'ambassade américaine à Madrid, a été la manière «dangereuse et désastreuse avec laquelle Rabat avait géré le cas d'Aminatu Haider, qui avait observé une grève de la faim de 33 jours à partir de novembre 2009 pour protester contre son expulsion d'Al Ayoune vers Lanzarote. Un bricolage diplomatique qui «a mis en péril ses relations avec l'Espagne et d'autres pays amis».
Washington n'épargne pas non plus Zapatero en matière de bricolage diplomatique pour avoir programmé à des fins politiques internes en octobre 2007, soit quatre mois avant
les élections générales de 2008, la première visite du couple royal espagnol à Ceuta et Melilla, alors que les relations entre Rabat et Madrid étaient à leur meilleur niveau. Au résultat de cette visite, une nouvelle crise diplomatique sur plusieurs épisodes entre les deux pays qui se poursuit à ce jour.
Relations hispano-marocaines
Entre Madrid et Rabat, rien ne va plus depuis quelques jours. Une certaine rancœur était encore perceptible, lundi à Bruxelles, où le ministre marocain des Affaires étrangères, Fassi Fihri, avait refusé de se réunir avec son homologue espagnole, Mme Trinidad Jimenez, tant que les relations entre Madrid et Rabat «continueront d'être tendues» entre leurs deux pays. A l'origine de cette crise qui pointe du nez,
l'adoption, il y a deux semaines, d'une motion par le congrès des députés espagnols demandant au gouvernement espagnol de condamner l'assaut
brutal lancé par les forces de police marocaine contre le camp de toile d'Al Ayoune, le 8 novembre. Madrid, qui a certes mal pris la menace de Rabat de revoir ses relations avec l'Espgane et de mettre désormais sur la table des négociations la revendication de Ceuta et Melilla, ne veut pas envenimer davantage ces relations.
La ministre espagnole des Affaires étrangères, pro-marocaine notoire, continue de jouer l'apaisement. Ce qu'elle a dit du Maroc au nom de l'Espagne, elle l'a redit lundi au nom de l'Union européenne : «Le Maroc est un partenaire stratégique.» Elle est de ceux parmi les 27 qui ont choisi de «classer les incidents d'Al Ayoune» au cours de la réunion du conseil d'association UE-Maroc qui vient de se tenir à Bruxelles.


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