La conférence d´Alger sur le cinquantième anniversaire de l´adoption de la Résolution 1514 sur l´octroi de l´indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, a été l´occasion pour les participants de rappeler que les pays occidentaux n´observaient pas toujours les principes qu´ils ont eux-mêmes tendance à mettre systématiquement en avant dans leurs relations avec les Etats tiers. Les principes et leurs limites Cette dose de morale en politique étrangère visant à punir les uns et à protéger les autres – c´est selon – a vite montré ses limites. Les pays occidentaux en général, européens en particulier, n´ont pas hésité à piétiner leurs propres lois et principes dès lors qu´il s´agit des amis ou des adversaires traditionnels. C´est plus flagrant encore quand il s´agit de la sécurité exclusive de leurs ressortissants. L´Espagne, l´Allemagne, l´Autriche, l´Italie, le Canada, et bien entendu la France, ont mis au placard lois et principes. Pour obtenir la libération de leurs citoyens pris en otage par Al Qaïda dans le Sahel, tous ces pays européens ont, d´une manière ou d'une autre, accepté de faire l´impasse sur le principe cardinal de ne pas négocier avec les terroristes, ni céder à leurs conditions, sous quelque forme que ce soit. Voila pour la théorie. La réalité, elle, est bien différente. Certains ont payé de fortes rançons aux terroristes et nient, à ce jour, l´avoir fait. C´est le cas de l´Espagne ou de l´Autriche. D´autres ont fait mieux, comme la France qui a usé de pressions sur des pays comme le Mali ou la Mauritanie, conjointement à l´Espagne encore une fois, pour obtenir la libération de dangereux terroristes d'Al Qaïda au Maghreb islamique contre celle de leurs ressortissants. Silence troublant de WikiLeaks Curieusement, WikiLeaks n´a encore rien révélé sur cette pratique scandaleuse qui a sans doute fait l´objet d´un certain nombre de câbles confidentiels du Département d´Etat américain. Un silence troublant à l´heure du rappel à l´ordre formulé par la conférence d´Alger sur la Résolution 1514, qui vaut à l´Algérie une nouvelle reconnaissance de la communauté internationale pour le combat qu´elle a engagé, d´abord seule, puis avec le soutien sans réserve des pays africains et arabes, entre autres, contre le recours systématique, depuis une dizaine d'années, de la plupart des pays européens au paiement des rançons pour obtenir la libération de leurs ressortissants pris en otage par les terroristes. Aujourd´hui, Al Qaïda pour le Maghreb islamique a capitalisé la somme extraordinaire de 30 millions d´euros qui lui sert à financer l´achat d´armement pour les groupes terroristes qui sévissent encore dans le nord de l´Algérie. C´est l´argument de base de la diplomatie algérienne dans sa stratégie de lutte internationale contre le terrorisme. Depuis plusieurs années, en effet, le gouvernement algérien a dû engager, parallèlement à sa lutte contre les foyers de terrorisme dans son propre pays, un combat tout aussi laborieux au plan diplomatique pour sensibiliser la communauté internationale sur les comportements de certains Etats occidentaux qui se sont rendus indirectement complices des terroristes. L´indispensable résolution C´est le début de la mise en place d´un cadre juridique sanctionnant les moyens illégaux par lesquels la majorité des pays européens ont pu obtenir la libération de leurs ressortissants pris en otage par les terroristes ou les pirates. Le 13 septembre dernier, au terme d´un véritable forcing diplomatique, le représentant permanent de l´Algérie à New York, Mourad Benmehidi, ne cachait pas son optimisme : «Je n'ai aucun doute que le Conseil de sécurité des Nations unies adoptera dans le court terme une résolution criminalisant le paiement des rançons aux terroristes.» Le débat a été très fructueux avec les ambassadeurs des pays qui n´ont rien à se reprocher à ce sujet et qui n´ont pas cédé au chantage terroriste. C´est le cas du représentant du Royaume Uni, dont un ressortissant avait été exécuté par Aqmi à la suite du refus de Londres de céder à ses exigences, qui parlait le même langage que son collègue algérien. La majorité des Etats membres ont été très sensibles aux arguments de l´Algérie qui est soutenue dans sa démarche par les Etats-Unis. C´est le cas également de l'Organisation de la Conférence islamique qui s´est exprimée en faveur de l´initiative algérienne visant à faire adopter une résolution criminalisant tout pays qui cèderait aux conditions des pirates et des terroristes ou qui se rendrait, à un degré ou à un autre, complice du terrorisme et de la piraterie. Les droits de l´homme à deux vitesses C´est la seconde étape du combat que mène le gouvernement algérien face à des pays qui ont inspiré la plupart des lois dites humanitaires. Un pays comme la France avait pourtant saisi le Conseil de sécurité d´un projet de résolution octroyant aux puissances occidentales le droit d´intervenir militairement dans les affaires intérieures d´un pays au nom du sacro-saint principe de droit d´ingérence humanitaire. Plus tard, l´Union européenne fera encore mieux en conditionnant ses relations avec les pays du tiers-monde par le respect des droits de l´homme. A ce jour, par exemple, la position commune des «27» plane comme une épée de Damoclès au-dessus de la nuque du gouvernement cubain que les Européens veulent obliger à l´ouverture politique, pendant qu´au Sahara occidental, les forces d´occupation torturent et font disparaître dans l´impunité les indépendantistes sahraouis coupables d´avoir revendiqué pacifiquement leur droit à disposer de leur sort. Le respect des principes à deux vitesses puisque des Etats comme l´Iran ou la Syrie sont classés sur la liste noire des pays «alliés du terrorisme» pour financer le mouvement Hamas palestinien ou le Hezbollah libanais en lutte contre l´occupation israélienne. L´Union africaine, en tête des pays du tiers-monde, a fait sien le projet de résolution destiné, dans un premier temps, à impulser à l´échelle internationale cette campagne de sensibilisation qui a connu beaucoup de progrès en 2010.