De nouvelles émeutes risquent à tout moment de se produire au quartier des Palmiers, dans la commune de Bachdjarrah, comme c'était le cas samedi et dimanche derniers. La population, occupant depuis 1962 une ancienne caserne coloniale, réclame son relogement dans les meilleurs délais. En mars dernier, Mohamed Hattab, à l'époque wali délégué d'El Harrach (Alger), actuellement secrétaire général de la wilaya, était en tournée d'inspection dans la cité les Palmiers, dans la commune de Bachdjarrah. M. Hattab voulait sûrement voir de très près dans quelles conditions vit la population de ce quartier construit à l'époque coloniale et qui faisait office de caserne. Avant de quitter les lieux, le wali délégué avait pris un engagement devant les habitants : «Si vous n'êtes pas relogés d'ici octobre, vous êtes autorisés à faire ce que vous voulez !» D'attente en attente, la population s'est retrouvée à la fin de l'année 2010 avec la certitude de demeurer sur place pour une période indéfinie. Le relogement avant octobre, ou même décembre, c'était des paroles dans l'air ! La suite était donc prévisible. Prenant au mot M. Hattab, les résidents ont fini par passer à l'action et ont fait ce qu'ils étaient «autorisés de faire». Samedi, vers 14h, hommes, femmes et enfants ont en effet bloqué le tunnel de Oued Ouchayah, en contrebas de la cité, à la circulation automobile. C'était suffisant pour paralyser le trafic routier sur plusieurs axes, sachant que ce tunnel est un passage obligé pour entrer et sortir du centre-ville de la capitale du côté est. L'intervention de la police n'a pas empêché l'éclatement des émeutes, même le lendemain dimanche. Hier par contre, les Palmiers ont retrouvé un semblant de calme. Le tunnel est rouvert à la circulation. La police y est présente en force pour éviter un nouveau blocage. Les agents travaillent à la régulation du trafic. Ceci a beaucoup influé sur le flux de la circulation. Dans les routes qui mènent vers le tunnel, les embouteillages sont fréquents. Une trentaine de véhicules de police étaient garés sur le côté de la route, ce qui donne un aperçu sur le nombre d'agents mobilisés en cette circonstance. La patience a des limites… C'était dans «l'appartement» numéro 48, du bâtiment H que M. Hattab avait pris langue avec les résidents. L'«appartement» se réduit à vrai dire à une seule chambre, sorte de hangar. Il est occupé par deux familles. Le hangar est départagé en deux chambrettes. Deux frères se sont mariés et ont eu des enfants. En tout, ils sont onze personnes à se partager un espace des plus exigus. «Le wali délégué a visité la maison. Il ne m'a pas cru quand je lui expliqué que nous vivions à sept dans une chambrette. Il me répond : «Mais comment ?», raconte une des deux femmes. Au n°48 ou ailleurs dans la cité, la typographie des chambres est la même. La différence réside dans le nombre des occupants. Cela peut aller jusqu'à 12 personnes ! L'exiguïté est ainsi portée à son paroxysme. Chaque famille s'arrange comme elle peut pour procéder aux aménagements nécessaires afin de s'offrir une cuisine et des toilettes. L'humidité a fait des dégâts ; les fuites d'eau, les mauvaises odeurs ont fait le reste. Les cas de maladies respiratoires ne se comptent plus. Le manque d'hygiène est la chose la mieux partagée. Les Palmiers, bien que situés sur le tunnel de Oued Ouchayah, sont accessibles surtout à partir du centre-ville de Bachdjarrah en prenant le chemin du quartier Boumaâza. Une fois arrivé devant l'ancien marché informel, éradiqué depuis quelques mois, il suffit de prendre une descente du côté du marché des fruits et légumes pour s'y trouver. A l'entrée du quartier, c'est une grosse décharge qui vous accueille. Toute une panoplie d'ordures ménagères s'y trouve entassée. «Le ramassage se fait une fois par semaine et encore !» affirme un homme âgé. Au-delà, ce sont les bâtiments de la cité, facilement reconnaissables à leur architecture ancienne, qui sont plantés là dans le dénuement le plus total. L'état des bâtiments est repoussant. Les assiettes paraboliques y ont poussé comme des champignons. Les sachets d'ordures occupent la plupart des allées. Les réseaux d'évacuation d'eaux usées sont grossièrement réalisés. Parfois, ils se confondent avec le réseau d'eau potable. C'est à vous donner la nausée. «Nous sommes humilié au plus haut point !» s'emporte une enseignante. Elle a 43 ans, née aux Palmiers dans une famille de 15 membres dont plusieurs ont fini par prendre des locations pour fuir cet endroit inhumain. Brahim, qui n'arrête pas de raconter sa montée au maquis, à Jijel, durant la guerre de libération, n'a pas pu retenir ses larmes quand il a raconté son mariage en 1975. Désormais marié, il a fallu lui réserver un espace dans la chambre qu'il occupait avec ses parents. «Entre ma femme et moi et mes parents, il n'y avait qu'un drap !», se rappelle-t-il. Ses voisins se plaignent de leur côté des atteintes à leur intimité. Même pour se rhabiller, il faut parfois faire sortir tout le monde de la «maison»… Les premières familles résident au Palmiers depuis 1962. Au début des années 1980, un plan de relogement de 720 familles a été annoncé. Selon les résidents, entre 1984 à 1997, 416 familles ont été recasées dans ce cadre. Les dernières treize années, aucune autre opération n'a été lancée. Les 304 familles restant sont encore sur les lieux vivent dans des conditions inhumaines. Ce ne sont pourtant pas les promesses qui manquent. La population a reçu plusieurs engagements de recasement avant la fin de l'année 2010, dans le cadre du programme portant résorption de l'habitat précaire. Pour cela, les familles ont mis leurs effets dans les cartons depuis quelques mois déjà. Elles n'attendent que l'heure de la délivrance qui tarde à s'annoncer. La goutte qui a fait déborder le vase, c'était l'annonce faite jeudi par le directeur du logement de la wilaya qui a rendu public un plan de relogement de 1586 familles. Les Palmiers, moins lotis que Diar Echems, ne sont pas sur la liste ! Risque d'explosion De nouvelles émeutes risquent à tout moment de se produire. La population se dit déterminée à se faire entendre par tous les moyens possibles. Les affrontements avec la police ne sont pas à exclure dans les jours à venir. Les gens se plaignent surtout des réactions des services de sécurité à leur égard. En fait, dans la nuit de dimanche à lundi, des bombes lacrymogènes étaient parvenues jusqu'à l'intérieur des maisons, témoigne-t-on. C'était une épreuve supplémentaire pour les enfants, les bébés, les personnes âgées et les malades. Des réunions marathons ont été organisées samedi et dimanche entre une délégation de la population et le wali délégué d'El Harrach qui s'est contenté de les informer que leurs dossiers sont au niveau de la wilaya pour examen. Autrement dit, leur recasement est une question de temps. Les concernés ne croient plus à ces assurances. Ils demandent du concret.