Ils sont jeunes, dynamiques et talentueux ces musiciens faisant partie du groupe algérien Labess (tout va bien). Abordé lors d'un concert aux Bobar à Montréal, Nedjim Bouizoul, l'auteur- compositeur et interprète du groupe, nous explique qu'il a commencé à jouer à l'artiste en solo dans les rues de Montréal, il y a déjà deux ans. Sa situation précaire n'a pas duré puisqu'il s'est très vite introduit dans le milieu artistique, multipliant les productions sur les scènes de Montréal. «Grâce à de nouvelles connaissances dans le monde artistique, j'ai dû me débarrasser du chapeau, cet ami fidèle du métro», a-t-il souligné avec un rire sympathique. Nedjim n'a pas honte de le dire : «Les débuts sont toujours difficiles.» Nedjim Bouizoul, la vingtaine, est né à Blida et a grandi à Hussein Dey. Ayant perdu son père à un jeune âge, ce garçon a vécu tous les déboires d'un jeune de l'époque noire, mais il est surtout un être ayant subi les contradictions d'un système et d'une société. L'environnement algérien était trop négatif et opprimant pour un jeune qui ne trouvait plus de repères et moyens pour s'exprimer à part, bien sûr, les stades, parce qu'il faut souligner que Nedjim était un fan du Milaha, l'équipe de football de Hussein Dey. Arrivé à Montréal avec sa mère et ses deux petites sœurs, en juillet 2003, Nedjim ne se voyait plus dans une école, ce qui était le vœu de sa famille. Pour Nedjim, Montréal était l'endroit idéal pour vaincre sa timidité et pouvoir affronter le public. Il faut noter aussi que Nedjim n'avait fait aucune école de musique et que son talent est inné. Il avait appris à jouer à la guitare à Alger d'une façon autodidacte. Son parcours, au Québec, a commencé dans les parcs puis les stations de métro, et il a aussi un peu voyagé dans la province avant de rencontrer Mahir et Mourad pour former le groupe Labess. Il a suffi seulement de quelques occasions pour Nedjim, Mahir, Mourad et Pep, les fondateurs du groupe pour jouer dans la cour des grands sur quelques scènes de Montréal, dont le Métronome, l'Utopik, le Missy bar, les Bobards et le Balattou. Mais ce qui a été le tremplin vers la notoriété de ce groupe est l'émission Belle et Bum à TéléQuébec où la paire Nedjim et Mahir avaient su impressionner et gagner le cœur des Montréalais. L'ascension de Labess continue avec le Festival du Maghreb et leur participation dans les shows que Rachid Taha a donnés à Montréal et à Ottawa. Le groupe Labess reflète parfaitement la composante multiethnique de Montréal puisque ses éléments viennent de l'Algérie, la Bosnie et la France et fusionnent pour produire une musique épicée et teintée de différents rythmes qui font voyager. Un groupe éthique Accompagné du bassiste algérien Mourad et du percussionniste bosniaque Mahir connu pour sa collaboration avec des groupes locaux comme Soleil Tzigane ou les Gitans de Sarajevo, la voix chaude et rocailleuse de Nedjim sait transporter son public dans un Alger de fraîcheur, de révolte et de petits bonheurs du quotidien. Grâce à ce mélange de rumba gitane, flamenco, gnawi et de chaâbi additionné aux soupçons de musique traditionnelle de l'Afrique du nord, Labess n'a pas seulement gagné le cœur des algériens installés à Montréal, avides de se faire transporter dans leur Algérie bien aimée, mais aussi des canadiens qui constituent un public curieux et prêt à découvrir cette musique exotique. Une musique que Nedjim qualifierait de " «tchektchouka». Une «tchektchouka» qui, pourtant, a suscité de l'admiration à travers son originalité acoustique. Nedjim écrit ses paroles et compose sa musique. Il chante la nostalgie, l'espoir, l'amour mais il décrit aussi l'injustice et la marginalisation que vivent les jeunes. Sa musique incarne tous les sentiments qu'il ne pouvait exprimer dans son pays d'origine et qu'il véhicule si bien dans des rythmes gnawi, rai, flamenco et hawzi. Labess poursuit son chemin et enchaîne les spectacles sur les scènes canadiennes, espérant une production sur les scènes algériennes. A ce propos, Nadjim nous explique que le groupe envisage, prochainement, une tournée en Algérie.