Le Canadien Alain Caron, 55 ans, considéré comme l'un des plus grands bassistes de jazz au monde, s'apprête à sortir un nouvel album l'automne prochain. Il raconte, à El Watan Week-end, comment les sonorités de toutes les cultures influencent sa musique. Le public du Dimajazz a découvert des extraits d'un album qui n'est pas encore sorti. Cet album sera-t-il différent de ceux qui l'ont précédé ? L'album ne porte pas de nom encore. Je vais bientôt commencer le mixage, puis je vais travailler avec le graphiste sur la pochette. Ce sera mon septième album solo. La sortie est prévue en septembre prochain. Le groupe va donc beaucoup tourner en 2011. J'essaie toujours de faire quelque chose de nouveau. En ce sens, je continue de chercher. Au niveau harmonique, le travail est plus poussé dans cet album. Il contient des choses que je n'ai jamais faites auparavant. Il y a de nouvelles influences, notamment sud-américaines. J'ai déjà joué avec des batteurs cubains et des musiciens brésiliens avec qui j'ai appris beaucoup de choses. Je me suis inspiré aussi de certains rythmes de l'île de la Réunion. C'est la première fois que vous venez en Algérie et même en Afrique. Avez-vous une idée sur la musique algérienne ? Oui, je connais bien la musique algérienne que j'adore. J'ai connu beaucoup d'artistes algériens à Paris, où j'ai vécu. Je veux bien m'en inspirer. Il y a, peut-être sans le savoir, des choses qui ont été inspirées de cette musique, surtout que j'écoute beaucoup la musique des autres pays. Cela influence quelque peu sur mon travail. J'ai joué en Syrie et en Israël. Je voudrais aller dans d'autres pays d'Afrique, surtout que la musique africaine a toujours été source d'inspiration pour moi. Cela m'a fait énormément plaisir de recevoir une invitation des organisateurs du Dimajazz. J'ai tout de suite dit oui. Des amis sont déjà venus à ce festival. Si on m'invite une seconde fois, je reviendrais avec plaisir. Le jazz que vous jouez est quelque peu sophistiqué et électrique… J'ai commencé à jouer le jazz avec des instruments acoustiques, mais tout de suite je me suis ouvert aux nouveaux instruments et à d'autres sonorités. Je n'ai pas de limite. Je tente toujours de rester musical. La recherche de nouvelles sonorités est perpétuelle chez moi. Je tente toujours de pousser au plus loin des possibilités que l'on a, faire du mieux que je peux. Je ne veux pas avoir de regret à chaque fois que je fais un concert ou un CD. Donc, j'essaie toujours de donner le maximum. Les sonorités rock dans mon travail sont dues au son de la guitare, mais le langage utilisé par les guitaristes est beaucoup plus jazz que rock. Peut-on parler de différence entre le jazz nord-américain et le jazz européen, à supposer que cette musique a une aire géographique définie ? Il y a une certaine différence. Evidemment, les influences et la culture de l'endroit où l'on est trouvent trace dans la musique que l'on compose. En général, la musique de l'Europe de l'Ouest est plutôt intellectuelle. Les musiciens de New York sont plus physiques. Au Canada, on est entre les deux. On est à une heure de vol de New York. On parle français à Montréal. On subit donc les influences françaises. On est entre les deux mondes. Quand j'étais jeune, j'écoutais les chansons de Jacques Brel et de Gilbert Bécaud. D'un autre côté, j'ai vécu avec Charlie Parker et John Coltrane. Nous avons tous écouté Jimmy Hendrix lorsqu'on était jeune. Au fil des albums sortis, qu'est-ce qui a changé dans votre démarche artistique ? J'espère m'améliorer avec le temps. Je n'arrête pas de faire de la recherche, puisqu'on peut toujours trouver des choses. Il y a douze notes, mais il y a beaucoup de possibilités aussi. Dans ma démarche, je continue à découvrir des choses. Chacun de nous atteint ses limites, mais ces limites ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Je ne sais pas ce qu'il me manque, mais je cherche. Lorsque je le trouverais, ce sera la fin ! C'est l'impression que j'ai. Ma carrière solo est ma principale activité. J'ai des activités avec d'autres musiciens, tels que Mike Stern, Gino Vanelli, Didier Lockwood, etc. C'est une manière de m'enrichir. Existe-t-il un public jazz au Canada ou s'agit-il d'un public réduit, sélect ? Ce public est exigeant. C'est un noyau de personnes qui veut entendre autre chose que ce que diffusent les radios. Il s'agit de personnes curieuses. Les radios en Europe et en Amérique du Nord sont sponsorisées par la publicité. Il y a très peu de radios culturelles. A Constantine, j'ai constaté que le public est très présent. Je voyais le sourire des gens, les têtes qui bougeaient au rythme de la musique. C'était un très bel accueil. Quel est le secret du chiffre 5 chez vous (vous avez donné le titre « 5 » à un de vos albums) ? Le chiffre 5 me suit depuis ma naissance. Je suis natif du cinquième jour du cinquième mois de l'année 1955. 2010 est l'année de mes 55 ans. J'espère qu'elle sera bonne. Je crois que le 5 est le chiffre du bonheur ! Bio Express : Après un long parcours avec le groupe Uzeb de Montréal, il se lance dans une carrière solo à partir de 1993 avec la sortie de l'album Le Band, suivi de Rythm n'Jazz en 1995, Play en 1997, Five en 2003. Le dernier opus en date remonte à 2007 avec Conversations. Alain Caron joue également avec de grands musiciens tels que le contrebassiste Michel Donato, le guitariste Leni Stern et le trompettiste Tom Harrel. Alain Caron a participé en mai dernier au huitième Festival international du jazz (Dimajazz) de Constantine. C'était son premier voyage en Afrique.